Le libéralisme officiel à l’Académie des sciences morales et politiques

L’Académie des sciences morales et politiques a accompagné la croissance et le développement du libéralisme français pendant près d’un siècle, et aujourd’hui ses volumes de Séances et travaux sont d’une lecture instructive et enrichissante pour ceux qui aspirent à marcher sur les traces des esprits supérieurs qui y siégèrent. Cependant cette histoire et cet héritage n’est pas sans ambiguïtés. Tous ces auteurs qui ont œuvré pour la liberté du travail et de la pensée ont constitué une aristocratie de l’intelligence, à l’abri de privilèges et de dotations publiques. S’ils ont accompagné le progrès, en promouvant de leur place des réformes utiles, ils l’ont peut-être aussi entravé, en donnant à leur libéralisme un caractère officiel, et en limitant les potentialités d’institutions concurrentes, qui auraient mûri sous l’atmosphère vivifiante de la liberté.    

Discussion sur l’organisation du travail et sur la limitation du travail des enfants

En 1845, une discussion s’engage à l’Académie des sciences morales et politiques sur les conceptions socialistes d’organisation du travail : ce thème, qui bifurque ensuite sur la question de la limitation du travail des enfants, est traité par Adolphe Blanqui, Hippolyte Passy, Charles Dunoyer, Gustave de Beaumont et quelques autres. Si une unanimité facile est obtenue contre les doctrines socialistes d’organisation du travail, la question du travail des enfants est un peu plus disputée. Pour la presque entièreté des intervenants, l’intervention de la loi est légitime pour protéger l’enfance. Mais comme à son habitude, Charles Dunoyer adopte une position contraire, ferme et radicale (et on sait que son intransigeance habituelle agaçait Tocqueville et Beaumont, qui étaient en froid avec lui). Pour lui la loi doit réprimer les sévices, les violences et les brutalités faites aux enfants, mais non pas empêcher arbitrairement leur travail ou le réglementer d’une manière uniforme.

Dans la bibliothèque de Benjamin Constant

Pour un penseur d’envergure, la bibliothèque est à l’image de l’homme. À ce titre, c’est une publication utile que la liste de celle de Benjamin Constant, qui vient d’être dressée pour la série documentaire qui accompagne la grande collection des Œuvres complètes publiées chez De Gruyter. Cette liste, reconstituée à partir de quatre catalogues dressés par Constant lui-même à différentes périodes de sa vie, est malheureusement partielle, comme des indications laissées dans sa correspondance, ou certains manques grossiers, le font apparaître. Elle n’en a pas moins une valeur documentaire très forte, qui légitime sa publication et en fera un outil de travail précieux.

Sur l’ouvrage de M. Dunoyer : De la liberté du travail

Devant l’Académie des sciences morales et politiques, Adolphe Blanqui présente les travaux de son collègue Charles Dunoyer sur La liberté du travail. L’ambition de Dunoyer, dit-il, a été de développer la science sociale dans sa globalité, et d’offrir une réfutation complète des velléités socialistes et étatistes qui se développent, en réaffirmant de manière solide et vigoureuse les principes de la liberté humaine.
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La recherche des fonctions publiques. Par Charles Dunoyer (1830)

"Ce n'est pas pour cela, si l'on veut, que la révolution a été faite; mais elle a été faite avec cela: l'amour des fonctions publiques y a joué son rôle; et ce rôle n'a pas été petit, si l'on en juge par les résultats; car ce qu'elle a produit avec le plus d'abondance, ce sont des fonctions et des fonctionnaires: nous l'avons vue inonder l'Europe de soldats, de commis, de douaniers, de directeurs, de préfets, d'intendants, de gouverneurs, de rois."