Notice sur Antoine de Montchrétien

Partisan du mercantilisme et du nationalisme économique, Antoine de Montchrétien est cité dans les histoires de la pensée économique pour avoir publié le premier un ouvrage sous le titre Traité d’économie politique, c’était en 1615. Voici quelques détails sur lui.


Notice sur Antoine de Montchrétien

par Benoît Malbranque

(Laissons Faire, n°5, octobre 2013)

Antoine de Montchrétien, ou, selon son vrai nom, Antoine de Mauchrétien, naquit en Normandie vers 1575. Selon les mots de Murray Rothbard, il fut « l’un des hommes le plus bizarres de l’histoire de la pensée économique » et c’est vrai que son parcours fut tout à fait singulier.

Il était né orphelin, et provenait d’une famille de boutiquiers sans grande fortune. Il ne fut pas tout de suite économiste. La passion de sa jeunesse fut les lettres, et c’est à la poésie qu’il s’initia d’abord. Il composa dès son jeune âge plusieurs tragédies, qui furent fort appréciées. A vingt-six ans, il se rendit en Angleterre, et c’est ce qui le transforma en économiste. Le spectacle d’une nation commerçante et de l’industrie balbutiante marqua à ce point son esprit que sa carrière littéraire en changea durablement. Ainsi que le note l’un de ses biographes, « parti de France littérateur, il y revient industriel. » Avec l’argent de sa femme épousée il y a peu, il se lança en effet dans l’industrie et monta une petite manufacture de couteaux. En 1621, il mourra avec bravoure dans le siège de La Rochelle lors d’une révolte des calvinistes.

En 1614, les Etats Généraux avaient été réunis à Paris. Pour apporter ses lumières aux membres de cette assemblée, Montchrétien il avait composé un ouvrage sur les questions économiques, qu’il intitula Traicté de l’Œconomie Politique. Il fut le premier à le faire. Selon Schumpeter, ce fut là son seul mérite.

Il faut concéder que son mérite est assez faible. Son Traicté de l’Œconomie Politique n’a à peu près rien à voir avec les traités d’économie politique qui fleuriront au XIXe siècle — mais on peut difficilement s’attendre à autre chose — et en outre l’expression même « économie politique » n’apparait pas une seule fois dans le corps du texte.

En outre, il n’étudie pas « l’économie politique » en tant que tel, mais l’économie politique de la France. Son analyse économique est nationale, presque nationaliste. «L’amour et l’admiration de la France éclatent à chaque page » écrira un commentateur. Pour autant, on aurait tort de considérer cette dimension comme honteuse ou problématique : en distinguant des lois générales de l’analyse de la réalité économique de son pays, l’économiste peut bien contribuer à la science positive mais sans avoir l’intention d’énoncer de telles lois générales.

Montchrétien fait naître la richesse du travail, et conseille à la nation française de ne chercher nulle part ailleurs les conditions de sa prospérité future. Son analyse de la division du travail est assez fine et globalement satisfaisante, bien qu’il soit exagéré de dire que les économistes ultérieurs, et Smith notamment, « n’ajouteront rien d’essentiel à ce qu’en a dit Montchrétien ». Il semble souscrire à la vision physiocratique de l’économie et considère que l’agriculture est la source fondamentale de la richesse. Si cette idée n’est pas nouvelle, Montchrétien vivait pour autant suffisamment loin de l’époque des Physiocrates et des progrès de l’industrie pour que ces considérations soient jugées avec retenue. En somme, son traité est suffisamment différent et novateur par rapport aux écrits d’Aristote, notamment, pour qu’il soit justifié de citer son nom ici et de le considérer avec bienveillance.

Le livre fut dédié au roi et à la reine mère, mais cela ne l’empêcha en rien de tomber bien vite dans l’oubli, si même il ne passa pas complètement inaperçu. Montchrétien n’est pas cité par les hommes de son temps et son ouvrage lui-même n’eut qu’une édition. Il tarda beaucoup à être redécouvert. Dès le XVIIIe siècle des ouvrages citaient le Montchrétien talentueux poète et auteur de tragédies à succès, mais nul ne mentionne son travail d’économistes, sûrement par ignorance que par silence délibéré.

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Pour des sources complémentaires sur lui, on consultera : Paul Dessaix, Montchrétien et le nationalisme économique, réédition Institut Coppet, 2015 ; Funck-Brentano, « Introduction » in Antoine de Montchétien, Traité d’économie politique, Plon, 1889 ; P. Lavalley, L’œuvre économique d’Antoine de Montchrétien, Caen, E. Adeline, 1903 ; Jules Duval, Mémoire sur Antoine de Montchrétien, sieur de Vateville, auteur du premier Traité d’économie politique et Aristide Joly, Antoine de Montchrétien. Poète et Economiste Normand, Caen, E. Le Gost-Clérisse, 1865.

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