Oeuvres de Turgot – 114 – Lettres à Caillard

114. — LETTRES À CAILLARD.

I. (Envoi à Caillard, d’une lettre pour Voltaire, signée : l’abbé de l’Aage des Bournais : Traduction de Virgile en vers métriques.)

[A. L., minute.]

À M. de Voltaire, gentilhomme ordinaire, en son château de Ferney, près Gex.

Paris, 28 février.

Vous comptez, M., autant de disciples qu’il y a d’hommes de lettres en France et peut-être en Europe ; il n’en est aucun que vos ouvrages n’aient instruit et n’aient contribué à former. Ils ont fait mes délices dès mon enfance ; dans ma jeunesse, ils dirigent mon goût, ils éclairent ma raison.

L’admiration et l’attachement qu’ils m’ont inspiré pour leur auteur me sont communs avec tant de personnes que je n’ose m’en faire un titre pour vous consulter sur un travail que j’ai entrepris. Vous avez assurément mieux à faire qu’à donner des conseils à tous les étourdis qui vous en demandent avec autant d’indiscrétion que s’ils étaient en état d’en profiter.

Je mérite peut-être le même reproche, mais, si dans ce moment je vous importune, vous ne devez, M., vous en prendre qu’à vous-même. La manière pleine de bonté avec laquelle vous avez accueilli, encouragé les premiers efforts de plusieurs jeunes gens, devenus depuis des écrivains estimables, les instructions et les secours de tout genre que vous leur avez prodigués m’ont appris que vous trouviez autant de plaisir à obliger les particuliers qu’à éclairer le public et cette réflexion m’a enhardi.

J’ai presque honte de vous dire qu’il s’agit d’une traduction de Virgile. Vous me demanderez pourquoi je traduis ? Pourquoi l’élève d’un peintre copie-t-il les tableaux de son maître ? Pourquoi un amant veut-il multiplier les portraits de sa maîtresse ? Si j’étais Italien ou Anglais, je voudrais vous traduire dans ma langue. J’aime Virgile, et vous, M., qui savez si bien, et sentir, et faire sentir le charme des beaux vers, et d’un style toujours pur, toujours correct, toujours facile, toujours harmonieux et toujours naturel, d’un style où l’image et le sentiment sont toujours rendus avec l’énergie et la grâce du mot propre, vous qui aimez tant Racine, je suis bien sûr que vous savez Virgile par cœur.

Je vous dirai encore que l’étude de Virgile a été pendant quelque temps pour moi un devoir d’état, et qu’obligé de le relire sans cesse, j’étais sans cesse plus frappé de ses beautés. Pour éclaircir les difficultés que présentent certains passages devenus obscurs, je parcourais quelquefois nos prétendues traductions et j’étais continuellement révolté du style lourd et barbare qu’on prêtait au plus grand poète et à l’écrivain le plus élégant de l’antiquité. En les lisant, je cessais de m’étonner que personne n’eût encore pu lire Virgile dans notre langue, mais un étonnement succédait à l’autre et je ne concevais pas davantage comment aucun écrivain sachant notre langue n’avait entrepris de la faire parler à Virgile. Vous n’avez peut-être, M., jamais daigné jeter les yeux sur ces misérables parodistes, soi-disant traducteurs. On dit que l’abbé Desfontaines est le moins mauvais de tous, et quel style ! Il est difficile de décider si sa traduction s’éloigne davantage, ou du génie de sa propre langue, ou du sens de son auteur. Il ne rend pas une image, pas un sentiment de Virgile. Il traduit :

… Vocat jam carbasus auras

par : déjà, ils ont appareillé.

Voici comme il tue cette belle image :

Ipsa hæret scopulis ; et quantum vertice ad auras

Æthereas, tantum radice in Tartara tendit.

Ses racines, aussi profondes que sa tête est élevée, le retiennent ferme sur le rocher où il est planté ; il brave fièrement tous les assauts.

Tempus inane peto, requiem spatiumque furori[1] :

Je le prie seulement de m’accorder quelques jours pour soulager ma peine.

Voilà, M., ce que j’ai été condamné à lire, et à lire à côté de Virgile. Vous concevez comment l’indignation m’a fait traducteur. Il m’était impossible de résister au désir de venger un auteur que j’aimais d’un pareil travestissement et, après m’être essayé sur plusieurs morceaux, je me suis enfin déterminé à entreprendre la traduction entière.

Indépendamment de mon goût pour Virgile, j’ai été soutenu dans mon travail par cette satisfaction secrète de l’amour-propre qui se plaît à lutter contre une difficulté regardée comme insurmontable et qu’il se flatte cependant de vaincre. C’est un plaisir de dupe et la gloire que peut espérer un traducteur n’est nullement proportionnée à la tâche qu’il s’impose. C’est sans doute pour cette raison que nous avons si peu de bons traducteurs, si même nous en avons un seul.

Car il est injuste d’en accuser notre langue, comme le font les étrangers. Comment cette langue, si riche, si brillante, si flexible à tous les caractères dans les écrits de nos grands hommes et dans les vôtres, M., n’aurait-elle plus que de la faiblesse quand on essaye de lui donner à exprimer des idées ou des sentiments heureusement exprimés dans les autres langues anciennes et modernes ? Mille exemples m’ont convaincu du contraire. Vous, M., qui connaissez mieux que personne toutes ses ressources, vous serez sans doute de mon avis.

La vraie cause de la rareté des traducteurs, c’est la difficulté de traduire à la fois exactement et élégamment, de faire passer à la fois dans une autre langue, et le sens, et le génie de son auteur. Cette difficulté est incomparablement plus grande que celle de composer soi-même.

Un auteur qui écrit conçoit ses idées déjà revêtues de leurs expressions et souvent c’est le mot qui amène l’idée. S’il se présente à lui quelque image qui se refuse à une expression élégante et analogue au genre de style dont il a fait choix, rien ne l’empêche de l’abandonner et d’en substituer une autre. Il use de son bien. Combien de fois n’est-il pas arrivé qu’un poète ait sacrifié un très beau vers uniquement par l’impuissance d’y trouver une rime ? Le traducteur, au contraire, est un homme comptable d’un bien qu’il ne fait qu’administrer ; il ne peut rien retrancher, ni rien ajouter d’important. Un mot qui semble indifférent, ajouté ou retranché, ou simplement transposé, peut faire disparaître cette liaison souvent imperceptible par laquelle le poète passe d’une idée à l’autre et qu’on ne peut déranger sans détruire toute l’économie de l’ensemble et sans faire perdre à l’ouvrage le mérite de la justesse et celui du naturel. La transposition d’un membre de phrase peut intervertir la gradation des images, si nécessaire pour l’effet des tableaux, et celle des sentiments dont dépend si fort l’émotion que le poète s’est proposé d’exciter. Il n’est aucune expression de génie qu’il soit permis au traducteur de négliger, à peine de ne présenter qu’un squelette sans âme ou sans vie, ou un portrait de pure imagination. S’il peut se dispenser de cette loi, ce n’est qu’après avoir épuisé toutes les ressources de la langue et s’être convaincu par des efforts multipliés de l’impossibilité absolue du succès.

Voilà bien de la peine pour peu de gloire. L’écrivain original en acquiert beaucoup plus et à meilleur marché. Il a sans doute le mérite inestimable de l’invention, ce qui suppose un talent très précieux parce qu’il est très rare ; mais, pour qui a reçu ce don de la nature, il n’est pas difficile d’inventer. Le plan et la disposition d’un ouvrage exigent du travail mais, j’ai peine à croire qu’aucune idée heureuse, aucun trait de génie, ait été le fruit des efforts et de la contention.

C’est sur quoi, M., vous pouvez mieux décider que moi ; je m’en rapporte à votre expérience.

Nos traducteurs, en général, ne se sont pas prescrit des règles si sévères. Ils ont mieux aimé regarder le but comme impossible que de prendre la peine nécessaire pour y atteindre. Ils se sont fait une conscience conforme à leur pratique. Aussi, dans leurs préfaces, ont-ils grand soin de nous annoncer qu’ils se sont bien gardés de cette exactitude littérale qui n’appartient qu’à des pédants et des écoliers. En conséquence de ce beau principe, toute figure hardie, toute expression originale, est remplacée par de prétendus équivalents du style le plus trivial ; les périphrases sont substituées au mot propre ; la teinte du style de l’auteur disparaît entièrement et l’on ne voit que celui du traducteur. L’auteur le plus serré est rendu par un style traînant et diffus parce que la langue française exige que les idées soient développées. Un auteur périodique est rendu par un style serré parce que le style coupé est le plus conforme au génie du français. Cicéron et Sénèque ont exactement le même ton, s’ils ont le même traducteur.

Ces messieurs s’imaginent embellir leur auteur en lui prêtant leurs propres idées. L’un d’eux nous dit, avec une naïveté admirable, que ces additions sont des acomptes par lesquels il a voulu dédommager Tacite des retranchements qu’il lui ferait ailleurs.

À les entendre, le plus grand mérite d’un traducteur consiste à ne point traduire ; plus ils se sont éloignés du génie de leur auteur, plus ils s’applaudissent de s’être conformés au génie de notre langue et ils ne manquent pas de s’appliquer ce vers d’Horace

Nec verbum verbo curabis reddere, fidus

Interpres… [2].

Comme si Horace, en conseillant à ceux qui veulent prendre dans Homère des sujets ou des caractères tragiques de se rendre ces sujets propres et de ne pas se borner à être de simples traducteurs avait conseillé aux traducteurs, d’être inexacts.

Je vous avoue, M., que j’ai été jaloux de prouver par le fait qu’on peut traduire véritablement dans notre langue, qu’on peut y faire passer non seulement les principaux traits des écrivains de l’antiquité, mais le caractère de leur physionomie et jusqu’au coloris qui les anime.

Je sais que pour rendre véritablement un poète sans laisser rien à désirer, il faudrait le traduire en vers. Une versification harmonieuse et sonore a trop de charmes pour qu’une prose, quelque élégante qu’elle soit, puisse soutenir la comparaison ; mais la difficulté de traduire Virgile augmente si prodigieusement quand on veut le traduire, que je la crois au-dessus des forces de tout écrivain qui n’est pas vous. On peut en conclure que jamais nous ne verrons Virgile traduit en vers : car, quand on a vos talents, on aime mieux être Voltaire que d’être le traducteur de Virgile. On a raison, on y gagne et le public aussi.

M. l’abbé Delille vient de nous donner une traduction en vers des Géorgiques; il y a infiniment de mérite à l’avoir faite ; on y trouve même des morceaux très bien rendus ; mais si j’ose dire ce que j’en pense, je n’y reconnais point l’original. La grâce, le naturel, la facilité des transitions, la molle douceur de la versification, ce molle atque facetum qu’Horace avait reconnu dans les premiers ouvrages de Virgile, disparaît dans l’abbé Delille. Presque toujours, il met de la pompe où Virgile n’a mis que de la simplicité et même de la naïveté ; je ne parle pas de la contrainte qui se fait sentir si souvent dans sa traduction. Il ne faut peut-être pas reprocher ces défauts à cet écrivain estimable ; ils ne prouvent que l’excessive difficulté de son entreprise.

Avant de connaître sa traduction, j’avais tenté aussi de traduire en vers, et j’avais poussé assez loin mes essais. J’étais assez content de plusieurs morceaux des Géorgiques, du premier et du quatrième livre de l’Énéide. Mais, après avoir cru réussir passablement à quelques morceaux, je me trouvais arrêté ensuite dans d’autres, par des difficultés que mes plus grands efforts ne pouvaient vaincre. Le dernier morceau sur lequel j’ai perdu beaucoup de temps, et qui m’a même entièrement découragé est le beau tableau de Laocoon au livre second, depuis le vers 201 jusqu’au vers 227. Si ce n’était pas à vous que j’écris, M., je crois que je défierais tous les versificateurs français de rendre l’énergie de cette peinture, mais je sais trop qu’il ne faut vous défier de rien ; du moins, on peut vous prier de le tenter pour l’honneur de notre langue.

Contraint par mon impuissance à renoncer au projet de traduire en vers, j’ai cherché du moins à donner à ma prose un caractère de hardiesse et d’harmonie par lequel elle approchât autant qu’il est possible de la poésie.

Je me suis fait à cet égard un système d’harmonie dont l’effet me parait réel ; mais je dois craindre de me faire illusion, et c’est pour savoir si cette crainte est fondée que je prends, M., la liberté de vous consulter.

Je joins à cette lettre la traduction entière de la huitième Eglogue et celle de plusieurs morceaux choisis du quatrième livre de l’Énéide, que j’ai travaillés avec toute l’attention dont je suis capable. Vous verrez que je m’y suis permis les mêmes inversions qu’on se permet en vers ; j’y ai aussi évité avec le même soin que dans les vers les hiatus et le concours des sons désagréables. J’ai tâché d’y mettre du nombre, de la cadence, et je me suis donné pour y parvenir plus de liberté que je n’en aurais pris dans une traduction en prose ordinaire. Vous vous apercevrez même que j’ai changé quelques noms dans l’Eglogue. Avec tout ce travail, au lieu d’une prose harmonieuse, je n’aurai peut-être réussi qu’à faire une prose bizarre. Mon oreille ne peut plus en juger, et je ne puis en trouver de plus délicate, ni de plus exercée que la vôtre. J’ose donc vous prier de lire cette traduction en la prononçant d’une manière aussi soutenue qu’on prononce des vers. Si vous y reconnaissez le nombre et l’harmonie que j’ai cru y mettre, je serai sûr d’avoir réussi et je continuerai. Si, au contraire, votre oreille n’y trouve pas plus d’harmonie que dans toute autre prose, j’en concluerai que je me suis trompé et j’abandonnerai un travail inutile.

Ce serait mettre le comble à vos bontés que de prendre la peine de me marquer d’un coup de crayon les endroits de ma traduction qui vous paraîtraient d’ailleurs défectueux, soit pour la fidélité du sens, soit pour la correction et l’élégance du style. Je croirais que mon travail aurait quelque valeur si vous y preniez assez d’intérêt pour le corriger.

Je vous prie de me renvoyer cette traduction ainsi crayonnée et de me marquer, en même temps, l’effet qu’aura produit sur votre oreille ce genre de prose. Vous voudrez bien adresser le paquet cacheté sous mon nom, avec une seconde enveloppe à M. Caillard, secrétaire de M. d’Arget, à l’École Royale Militaire. Je le reprendrai chez lui, au retour d’un voyage de quelques semaines que je vais faire en Hollande.

J’ai l’honneur d’être, avec toute l’admiration qui vous est due…

l’abbé de l’Aage des Bournais[3].

(Si M. Caillard ne fait pas partir cette lettre de Paris, il la datera de quelque petite ville d’Italie, ou mieux encore de Turin, et au lieu de la dernière ligne, au retour… il mettra simplement à mon retour à Paris.)

II. (Les vers métriques. Détails divers.)

[D. D., II, 811.]

Limoges, 16 mars.

Vous devez à présent avoir reçu, mon cher Caillard[4], la lettre que je remettais de courrier en courrier et que j’aurais peut-être remise encore plus loin si j’avais été instruit de la prolongation de votre séjour à Paris. Je suis bien aise de l’avoir ignoré. Peut-être verrez-vous avant votre départ la réponse. Je crains pourtant que la lettre n’ennuie si fort par sa longueur, qu’on laissera là l’examen de la traduction. J’ai peur aussi que, si l’on devine, la chose ne soit divulguée et l’auteur connu. Mandez-moi, je vous prie, si vous avez fait partir la lettre, et renvoyez-moi l’original, que je suis bien aise de garder.

Vous ne me marquez point si vos affaires sont enfin arrangées avec M. de Boisgelin, ni si vous êtes contents l’un de l’autre. Vous ferez bien de profiter de votre séjour à Paris pour faire un petit cours de politique sous la direction de l’abbé de Mably.

Si vous voyez Mme Blondel, vous pouvez lui faire voir les vers métriques ; je suis curieux de savoir comment elle trouvera l’églogue. Elle a vu quelques vers de Didon ; peut-être tout cela est-il déjà parti pour Ferney.

Si vous avez mon manuscrit sur la Richesse[5], je vous prie de me le renvoyer. M. Du Pont vous en donnera un exemplaire imprimé. Il y a, à la page 96 du volume de décembre[6] des Éphémérides, une phrase que je trouve louche et inintelligible. Je soupçonne qu’il y a deux ou trois lignes de passées ; et je ne puis y suppléer.

Fayel est par trop mauvais. De Belloy[7] est un Corneille en comparaison. Je n’ai pas été fort content de la pièce de M. de La Harpe[8], et je vous avoue que le curé me parait un caractère manqué et déplacé dans la pièce. S’il était ce qu’il doit être, la fille ne s’empoisonnerait pas et ne serait pas religieuse. Mais que les discours de cette malheureuse, dans la scène avec le curé, sont beaux Cela dédommage de tout et vaut une pièce entière.

On m’a mandé que l’abbé Morellet dépérissait beaucoup. Donnez-m’en, je vous prie, des nouvelles. J’en suis d’autant plus fâché qu’il veut répondre à l’abbé Galiani[9], dont au reste je persiste à trouver la forme très agréable et le fond détestable.

Vous me ferez plaisir de souscrire pour les Récréations mathématiques.

Dites aussi au relieur de prendre pour moi le volume de l’Académie des sciences de 1766. Vous pouvez vous en charger et me l’envoyer, ou contresigné : Boutin, ou par l’occasion de quelque Limousin.

M. Des Resnaudies s’est chargé de demander vos livres à sa sœur.

Avez-vous vu la traduction de la Description des glaciers, par M. de Keralio[10] ? Desmarets vous fait mille compliments.

Je voudrais fort avoir le nouvel ouvrage du P. Beccaria[11], sur l’électricité, qui est annoncé dans le dernier Journal des Savants.

Adieu : vous connaissez tous mes sentiments.

III. (Affaires personnelles à Caillard. — Mme Blondel.)

[Lettre en la possession de l’éditeur.]

Limoges, 23 mars.

Je prends, mon cher Caillard, bien de la part à vos peines et vous devez être bien sûr que je ferai tout ce qui dépendra de moi pour les adoucir et rendre service à Mme Caillard. J’écrirai à M. Trudaine[12] pour me joindre à l’abbé Morellet.

Mais peut-être, vu l’éloignement actuel de M. Trudaine, trouverez-vous plus de ressource dans la bienfaisance active de Mme Blondel et de M. de Malesherbes que l’abbé Morellet peut aussi employer.

Quant à Mme Blondel, voyez-là et dites-lui hardiment toutes vos idées ; ne craignez jamais de l’embarrasser quand il s’agit de rendre service. Il peut n’être pas nécessaire pour l’exécution de votre projet que M. de Boisgelin en soit instruit ; c’est encore sur quoi vous pouvez consulter Mme Blondel.

À l’égard de l’objection de vos dettes à Limoges, il me serait difficile d’en faire l’avance cette année, attendu la grande augmentation de dépense que m’occasionnent mon séjour ici et le motif de ce séjour. Mais je le pourrai sans me gêner l’année prochaine, et vous n’avez pas promis de payer cette année ; ainsi, je ne vois pas que cette objection doive vous arrêter.

Mme Blondel peut aussi vous trouver des facilités pour des places du genre de celles dont vous me parlez, mais ce n’est guère qu’en pays étranger que ces places ont quelque agrément. Si cependant, je trouve quelque occasion de ce genre, je n’oublierai point votre belle-sœur.

J’ai oublié de vous demander un exemplaire d’un ouvrage sur la Compagnie[13] que M. votre frère vous avait envoyé et que nous avons imaginé être de M. Abeille. Il roule sur les rapports de la Compagnie avec le système de Law. Il manque à mon recueil.

Adieu mon cher Caillard, je vous prie de compter sur moi en toute occasion.

Votre lettre du 13 n’est arrivée que par le courrier du 18.

Mme Blondel fait souvent dire qu’elle n’y est pas. Demandez-lui un moment si vous voulez lui parler.

IV. (Les vers métriques.)

[D. D., II, 812.]

Limoges, 6 avril.

Je vois avec grand plaisir, mon cher Caillard, que M. de Boisgelin et vous êtes contents l’un de l’autre. M. de La Bourdonnaye, étant fait pour être placé, ne peut vous faire aucun tort ni retarder votre avancement, pourvu que M. de Boisgelin suive la carrière. Je suis fort aise que vous ayez espérance de placer par lui Mme Caillard, car M. Trudaine n’aurait pu agir qu’après son retour.

J’avais dans le temps trouvé l’ouvrage de M. votre frère très bon ; il me fait sentir combien est grande la perte qu’a faite l’abbé Morellet.

Mme Blondel a été effrayée du ton de consultation que vous preniez avec elle, et c’est ce qui l’a empêchée de vous donner rendez-vous pour entendre l’Eglogue. Cela pourra se réparer, car vous en avez, je crois, copie.

Je ne crois pas qu’il y ait rien de désobligeant, pour l’homme à qui vous avez adressé une lettre[14] dans ce que dit M. l’abbé de l’Aage sur la difficulté du chemin que prend le traducteur pour arriver à la gloire. Il me semble, au contraire, que la supériorité de l’écrivain original sur le traducteur est très nettement prononcée, soit du côté de la gloire, incomparablement plus grande, soit du côté du talent, très rare et très précieux, de l’invention : dire que, ce talent une fois donné, l’invention n’est pas laborieuse ; dire que les idées heureuses, les idées de génie ne sont point le fruit des efforts et de la contention, et en appeler sur cela à l’expérience de la personne, c’est, je crois, lui dire une chose très flatteuse, et d’autant plus flatteuse, que son expérience y sera certainement conforme.

Quant à la critique que vous faites de quelques phrases relatives aux difficultés propres du traducteur, il me semble que vous n’avez pas tout à fait pris mon sens : si, pour exprimer la difficulté qu’il y a à copier, je disais que le copiste doit conserver l’air de liberté du trait et la grâce des contours, serait-on reçu à me dire que le peintre doit aussi donner à ses traits et à ses contours l’air de liberté et la grâce ? En énonçant les devoirs du traducteur relativement à son auteur, j’ai cru en faire suffisamment sentir la difficulté. J’avais dans l’esprit toutes les liaisons que croit ajouter l’abbé Delille dans sa traduction, toutes ses transpositions, tous ses retranchements, et je voyais à quel point les libertés les plus imperceptibles dénaturent la marche et l’esprit de Virgile. C’est peut-être parce que voyais tout cela trop clairement que j’ai négligé de l’exprimer, et que je l’ai sous-entendu. J’ai eu tort, puisque vous vous y êtes trompé ; et, si vous eussiez été ici, j’eusse, en changeant quelques mots, levé toute équivoque. Je n’imagine pas que vous soyez encore à temps de me corriger ; car, sans doute, la lettre est partie. J’attends la réponse avec impatience.

Si vous avez besoin d’argent pour mes commissions, vous pouvez demander à Mme Blondel ce que vous voudrez sur celui qu’elle a à moi ; mais il faut toujours que vous m’en envoyiez le compte. Je me soucie peu du Système de la Nature[15]. Un livre si gros, qui contient le matérialisme tout pur, est un ouvrage de métaphysique par un homme qui, à coup sûr, n’est pas métaphysicien, et pique peu ma curiosité. Si l’auteur est celui des pensées sur l’Interprétation de la Nature, il peut être agréable par le style ; mais si cet auteur est un certain Robinet[16], auteur d’un livre de la Nature, je le tiens d’avance pour lu.

Desmarets et Desnaux vous font mille compliments ; la misère est toujours affreuse ici.

V. (Les vers métriques. Caillard.)

[D. D., II, 814.]

22 juin.

Il y a bien longtemps, mon cher Caillard, que je n’ai eu de vos nouvelles. Vous ne m’avez pas même instruit de votre départ de Paris. J’aurais été bien aise d’apprendre par vous si vous avez réussi à fixer le sort de votre belle-sœur.

J’ai jusqu’ici attendu de jour en jour la réponse à l’abbé de l’Aage, mais j’en désespère à présent. On dit que Voltaire est uniquement occupé de son Encyclopédie, et qu’il ne parle ni n’écrit à personne. Quand il aura fini, il aura oublié l’abbé de l’Aage, et peut-être n’aura-t-il pas même daigné jeter les yeux sur sa traduction. Vous trouverez ci-joint une minute de lettre que je ne vois pas d’inconvénient à lui adresser, soit de Dijon, soit de Gênes pour le dépayser encore mieux. Je suppose que vous avez pris des mesures sûres pour que sa réponse me parvienne en tout temps.

M. de Boisgelin est arrivé avant-hier aux Courières, où il a trouvé son frère et sa sœur. Ils me quittent tous lundi, et je sais que M. de Boisgelin vous a donné rendez-vous à Antibes. Vous imaginez bien qu’un de mes premiers soins a été de chercher dans sa conversation à juger comment vous êtes contents l’un de l’autre. Je vois, en général, qu’il est satisfait de votre honnêteté et de vos talents ; mais j’ai entrevu qu’il vous fait un reproche où malheureusement je vous ai reconnu : c’est la paresse et la lenteur dans l’expédition. Je vous reprochais la même chose. La perte de vos matinées, l’habitude de les passer en robe de chambre à faire des riens, le retard des lettres dont je vous chargeais. Ces défauts sont très grands dans votre position et je vous les ai reprochés plusieurs fois. Je les expliquai par le dégoût du genre de la besogne dont vous étiez chargé. À présent que vous n’avez que des occupations d’un genre beaucoup moins triste et que vous en êtes seul chargé, vous devez sentir combien ces défauts deviendraient à la longue désagréables à M. de Boisgelin : le retard du service retomberait sur lui, et nécessairement, il serait forcé de vous en savoir très mauvais gré. Vous sentez qu’il n’y a que l’intérêt que je prends à vous qui me fait vous donner cet avis. M. de Boisgelin ne m’en a nullement parlé à ce dessein, et je vous prie de lui laisser ignorer que je vous en aie rien dit ; mais la chose est trop importante pour votre fortune et pour votre bonheur, pour que je n’insiste pas auprès de vous afin de vous engager à faire tous vos efforts pour vaincre cette malheureuse habitude de paresse.

Adieu, mon cher Caillard, je vous souhaite toute sorte de bonheur. Desmarets vous fait mille compliments, ainsi que M. Melon.

Lettre de l’abbé de l’Aage des Bournais à Voltaire. 

J’espérais, M., en passant à Paris à mon retour de Hollande, trouver chez M. Caillard, votre réponse à la lettre que j’ai pris la liberté de vous écrire à la fin de février, et en vous adressant quelques essais d’une traduction de Virgile. J’aurais été infiniment flatté que vous eussiez daigné m’en dire votre avis ; votre approbation eût été pour moi le plus grand des encouragements. Je crains bien que votre silence ne soit l’arrêt de ma condamnation. L’emploi de votre temps est si précieux pour votre gloire, pour le plaisir et l’instruction des hommes, que vous ne devez pas en perdre à discuter des écrits médiocres ; et, malgré l’amour-propre attaché à la profession d’écrivain, l’idée que j’ai de la sûreté de votre goût est telle, que je suis bien prêt à souscrire à votre jugement. Quoi qu’il en soit, comme il se pourrait absolument que le paquet eût été perdu, j’ose vous prier de me tirer de cette incertitude, ne fût-ce qu’en me le renvoyant tel que vous l’avez reçu, et sans y faire aucune réponse. J’entendrai votre silence, et je saurai renoncer à un travail que vous aurez jugé sans mérite. Ayez la bonté d’adresser toujours le paquet à M. l’abbé de l’Aage des Bournais, sous une double enveloppe à M. Caillard, secrétaire de M. d’Arget, à l’École militaire ; il se chargera de me le faire passer.

J’ai l’honneur d’être, avec un attachement fondé sur l’admiration la plus profonde, M., etc.

VI. (Les vers métriques.)

[D. D., II, 815.]

10 juillet.

Je ne sais, mon cher Caillard, si vous avez reçu une lettre que je vous ai adressée à Dijon le 22 juin, à laquelle était joint un projet de lettre de l’abbé de l’Aage. Depuis ce temps, l’abbé a reçu la réponse à sa première lettre ; je vous en envoie copie. Je ne puis comprendre comment on a pu goûter la traduction, et en faire d’aussi grands éloges, sans s’être aperçu que ce n’était pas une simple prose. On ne s’explique point sur cet article, qui est cependant l’objet le plus intéressant. L’abbé de l’Aage veut insister, et il a récrit la lettre dont voici le projet ; il vous prie instamment de la faire parvenir à son adresse, en la mettant à la poste de Gênes, si vous êtes encore à temps ; si vous êtes déjà Parme, il faut la faire mettre à la poste dans quelque ville des États du Roi de Sardaigne afin de mieux dépayser. Si la lettre que vous avez reçue à Dijon n’est pas partie, il faut la supprimer.

Je vous faisais, dans la lettre que je vous écrivais à Dijon, quelques exhortations que je ne vous répète point, ne doutant pas que cette lettre ne vous soit parvenue ou ne vous parvienne. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’elles n’ont été dictées que par l’intérêt que je prends à votre bonheur.

Savez-vous le nouveau désagrément qu’essuie le pauvre abbé Morellet, à qui M. le Contrôleur général ne permet pas de publier sa réponse à l’abbé Galiani. Cela est bien étrange.

L’abbé me mande que Mme Caillard est placée en Pologne. Je suis charmé que, par cet arrangement, elle puisse se passer de vous. Cela vous permettra de mettre vos affaires en ordre.

Le temps qu’il fait ici est déplorable ; il retarde la moisson et fait tout craindre pour l’année prochaine. J’irai pourtant, à ce que j’espère, passer le mois prochain à Paris.

Adieu. Je vous souhaite une bonne santé et tout le bonheur que vous pouvez désirer.

Réponse de Voltaire à l’abbé de l’Aage des Bournais.

Ferney, 19 juin.

M., une vieillesse très décrépite et une longue maladie sont mon excuse de ne vous avoir pas remercié plus tôt de l’honneur et du plaisir que vous m’avez faits. J’ajoute à cette triste excuse l’avis que vous me donnâtes que vous alliez pour longtemps hors de Paris.

J’emploie les premiers moments de ma convalescence à relire encore votre ouvrage, et à vous dire combien j’en ai été content. Voilà la première traduction où il y ait de l’âme. Les autres pour la plupart sont aussi sèches qu’infidèles. Je vois dans la vôtre de l’enthousiasme et un style qui est à vous. Qui traduit ainsi méritera d’avoir bientôt des traducteurs. J’applaudis à votre mérite autant que je suis sensible à votre politesse.

J’ai l’honneur d’être, avec une estime respectueuse, M., etc.

Réplique de l’abbé de l’Aage des Bournais. 

[A. L. ; D. D., II, 816.]

M., M. Caillard m’a fait passer la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser à Paris ; elle m’a fait d’autant plus de plaisir, que je commençais à douter si mon paquet vous était parvenu. Je suis bien fâché que votre silence ait été occasionné par une maladie et personne ne ressent plus vivement que moi la joie que votre convalescence doit donner à tout homme qui pense.

Les éloges que vous daignez faire de mon travail sont bien propres à m’enorgueillir. Cependant, il y a un point sur lequel j’avais besoin que votre avis m’éclairât, et dont vous ne me dites rien : je parle du genre d’harmonie que j’ai essayé de donner à ma traduction. Si j’en devais croire les choses flatteuses que vous avez la bonté de me dire, la contrainte à laquelle je me suis assujetti n’aurait fait perdre à mon style ni la correction, ni le naturel, ni même la chaleur. Ce serait beaucoup ; mais je n’ose adopter une idée aussi agréable. Je ne serais, au contraire, nullement étonné que les inversions, et tous les autres sacrifices que j’ai faits à l’harmonie, eussent choqué une oreille aussi délicate que la vôtre, dès qu’elle n’en a point été dédommagée par le rythme dont j’ai voulu faire l’épreuve.

Je vous dis presque mon secret, M., et je serais bien tenté de vous le dire tout à fait. La seule chose qui me retienne est la persuasion où je suis que, si vous ne l’avez pas deviné, c’est parce que je n’ai point atteint mon but. Mon oreille m’aura probablement fait illusion, et j’aurai pris une peine inutile. Je m’en consolerai, si cet effort m’a donné occasion d’acquérir un peu plus de connaissance que je n’en avais des ressources de ma langue, et quelque facilité à les mettre en usage. Je m’applaudirai surtout de ce qu’il m’a procuré l’avantage d’entrer en correspondance avec un grand homme, et la satisfaction d’en être loué. Qu’elle serait enivrante, si je pouvais ne la pas devoir son indulgence et à sa politesse !

Je crains d’abuser de cette indulgence en vous priant encore de m’éclairer sur l’article qui fait le sujet de mon doute. Je pourrais trouver votre réponse à Paris, où je retournerai certainement au commencement d’août. Si j’étais le maître de ma marche et de mes moments, je vous demanderais la permission de prendre ma route par Ferney et d’aller apprendre auprès de vous à écrire et à penser.

J’ai l’honneur d’être avec autant d’admiration que de respect.

VII. (Les vers métriques.)

[D. D., II, 817.]

Paris, 21 septembre.

J’ai reçu, mon cher Caillard, votre lettre de Gênes, et j’ai vu dans la gazette l’arrivée de M. de Boisgelin à Parme. Je souhaite que vous vous y portiez bien, et que vous continuiez d’être contents l’un de l’autre. Le grand article sur lequel je ne cesserai de vous presser est celui de la paresse ; c’est un défaut dont je sens d’autant plus les inconvénients, que c’est aussi le mien ; il est essentiel de le vaincre.

Je n’ai point la seconde réponse de Ferney, et j’en suis un peu impatient. Le piège, si c’en est un, est assaisonné de tant de politesses qu’on ne devrait pas s’en fâcher.

M. d’Alembert et de Condorcet partent à la fin de cette semaine pour Genève ; ils iront de là faire le voyage d’Italie. C’est pour sa santé que M. d’Alembert voyage, et comme son état n’est qu’une espèce d’épuisement occasionné par le travail, le repos de l’esprit et le mouvement du corps le guériront sûrement. M. de Condorcet voyage pour l’accompagner. Vous les verrez tous deux, et vous serez sûrement bien content de la simplicité de caractère de M. de Condorcet. Celui-ci s’est chargé de m’envoyer le livre de Beccaria sur l’électricité.

Je ne vous envoie point de nouvelles. M. de Boisgelin les reçoit sûrement fort exactement. Ces nouvelles ne laissent pas de fournir matière aux réflexions politiques et morales. Le Parlement paraît assommé par la dernière séance du Roi. Il y a répondu par des paroles, et a continué la délibération au 3 décembre. Nous allons vraisemblablement voir un nouvel ordre de choses.

On attend le Supplément à l’Encyclopédie de Voltaire, en 12 ou 15 vol. in-8. J’en ai vu le premier volume ; il n’a jamais rien fait de si mauvais. Adieu, mon cher Caillard. Vous connaissez tous mes sentiments pour vous. Mille compliments à M. de Boisgelin et à M. Melon. Je retournerai à Limoges à la fin du mois, et c’est là qu’il faut me répondre.

VIII. (D’Alembert. — Les vers métriques. — Discours en Sorbonne. — Disette du Limousin. — De Boisgelin. — La poste. — Le père Jacquier. — L’abbé Millot.)

16 octobre.

Je reçois ici, mon cher Caillard, votre lettre du 29. Je commence à croire que vous ne verrez ni d’Alembert, ni M. de Condorcet. D’Alembert n’a point du tout pris goût aux voyages, et il se bornera à courir quelque temps les provinces méridionales, après avoir passé quelque temps à Ferney, où il est.

L’abbé de L’Aage n’a reçu aucune réponse, et j’imagine qu’on n’a pas daigné faire attention à sa seconde lettre, et que le compliment n’était qu’une politesse vague, après lequel on avait jeté le manuscrit dans quelque coin où l’on aurait eu trop de peine à le déterrer. L’abbé de L’Aage aurait bien fait de mettre M. d’Alembert dans sa confidence, et de le prier de sonder discrètement le patriarche de Ferney ; mais il n’est plus temps.

À propos de l’abbé de L’Aage, il me charge de vous rappeler certains discours qu’il a jadis prononcés en Sorbonne[17], et dont il n’a d’autre copie complète que celle que vous avez entre les mains. Il vous sera très obligé d’achever celle que vous lui avez fait espérer.

Je suis ici vraisemblablement pour bien longtemps, car le Limousin souffrira au moins autant de la disette que l’année dernière. L’Angoumois sera bien. Il me sera difficile de remplir pendant ce temps les désirs de M. de Boisgelin, et de lui envoyer les livres nouveaux. Il faut, pour une pareille commission, quelqu’un qui réside constamment à Paris. D’ailleurs, je n’entends pas comment le contre-seing peut servir à M. de Boisgelin. Parme n’est pas une poste française, et je vois même dans l’Almanach royal qu’il faut affranchir les lettres ; cela me met dans l’embarras, car on n’affranchit pour l’étranger qu’à Paris. Pour le plus sûr, j’adresse celle-ci à l’évêque de Lavaur[18], qui, sans doute, est dans l’habitude d’écrire à son frère. M. de Boisgelin devrait faire adresser ses lettres au directeur de la poste de Gènes et s’arranger avec lui pour les lui faire passer à Parme.

La situation du P. Jacquier est bien douloureuse et bien intéressante. Il doit y avoir bien peu d’exemples d’une amitié aussi intime et fondée sur une aussi grande quantité de rapports.

Voici une lettre pour l’abbé Millot, qui m’a écrit pour me remercier des Réflexions sur la richesse. Vous lui avez parlé de la traduction de la prière de Pope, et il me demande la permission de la copier. Cela ne vaut pas par soi-même la peine d’être donné, ni refusé. La seule chose qui m’intéresse, c’est que la chose ne puisse pas être connue sous mon nom.

Adieu, mon cher Caillard : vous connaissez tous mes sentiments. Bien des compliments à MM. de Boisgelin et Melon.

—————

[1] Énéide, L. IV, vers 417. 433, 445.

[2] Art poétique.

[3] Turgot avait d’abord signé : De l’Aage des Bournais, avocat au Parlement.

[4] Caillard servit de secrétaire à Turgot, qui ensuite l’attacha, en la même qualité, au comte de Boisgelin, ministre de France à Parme. Caillard devint successivement secrétaire d’ambassade en Russie, en Suède, en Hollande, ministre plénipotentiaire à Ratisbonne et à Berlin (en 1803), garde des archives des relations extérieures. Il possédait une des plus riches collections de livres qu’un particulier puisse rassembler.

Son frère ainé, mort chez l’abbé Morellet, fut un des collaborateurs de l’abbé pour son Dictionnaire du Commerce, avec Boutibonse, Desmeuniers, Bertrand et Peuchet.

[5] Réflexions sur la formation et la distribution des Richesses.

[6] 1769.

[7] De Belloy (1727-1775), de l’Académie française.

[8] La Harpe (1739-1803) composa en 1770 un drame intitulé : Mélanie.

[9] Galiani (1728-1787), abbé napolitain, dont les Dialogues sur le commerce des grains portèrent un coup terrible à l’école physiocratique.

[10] De Keralio (1731-1793), de l’Académie des Inscriptions.

[11] Beccaria (1716-1781), célèbre physicien.

[12] Trudaine de Montigny.

[13] La Compagnie des Indes.

[14] Voltaire. Voir la lettre de l’abbé de l’Aage du 28 février, p. 400.

[15] Par le baron d’Holbach.

[16] Robinet (1735-1820), plus tard censeur royal ; la Nature avait paru en 1761-1768.

[17] Discours aux Sorboniques, tome I, p. 194.

[18] De Boisgelin.

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