Œuvres de Turgot – 203 – L’épizootie et les épidémies

Œuvres de Turgot et documents le concernant, volume 5

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1775

203. — L’ÉPIZOOTIE ET LES ÉPIDÉMIES[1].

I. Lettre à l’archevêque de Narbonne (De Dillon).

(Concours des États du Languedoc pendant l’épizootie. — Il ne faut pas s’en tenir à la lettre des instructions qui ont prescrit d’abattre 8 ou 10 bêtes seulement.)

1er janvier.

J’ai rendu compte au Roi, M., comme je vous l’avais annoncé par ma dernière lettre, du zèle de ses États de Languedoc dans les malheureuses circonstances dont cette province est menacée et S. M. m’ordonne de vous marquer la satisfaction particulière qu’elle en a. Je vous prie de le leur faire connaître.

Je ne doute pas que les précautions qu’ils ont jugé à propos de prendre ne leur procurent la douce satisfaction d’arrêter les progrès d’un fléau aussi effrayant et d’en préserver les autres provinces du Royaume. Je ne puis qu’approuver les précautions que les États ont jugé à propos d’ajouter à celles que j’ai proposées à M. l’Intendant. Si j’ai prescrit seulement de tuer les 8 ou 10 premières bêtes attaquées de la maladie, c’est que j’ai pensé qu’au cas où cette précaution serait inutile pour sauver une partie du bétail de cette paroisse, il pouvait y avoir de l’humanité à ne pas enlever aux propriétaires la faible lueur d’espérance qui pouvait leur rester de faire guérir ceux qui leur resteraient en vie, mais je vous prie de ne pas perdre de vue que je suis très éloigné du centre du mal et que je ne puis juger que sur des rapports, que les délais de la poste rendent nécessairement tardifs, et je ne crois pouvoir rien faire de mieux que de m’en rapporter au jugement de ceux qui sont plus à portée de voir les effets des maux et des remèdes lorsqu’ils sont aussi éclairés. C’est le parti que j’ai pris par les lettres que j’ai écrites par le dernier courrier à M. de Saint-Priest et à M. le Comte de Périgord. J’attends avec impatience des nouvelles des succès qu’auront eu les précautions prises par les États qui me paraissent les meilleurs et les plus sûrs qu’on peut prendre en pareille circonstance[2].

2. Lettres à l’Intendant d’Auch (Journet).

(Mesures de défense. — Tort fait à la culture. — Indemnités à accorder. — Réduction des formalités à remplir. — Arrêts du Parlement de Toulouse.)

Première lettre.

1er janvier.

J’ai reçu, M., la lettre que vous m’avez écrite le 16 du mois dernier en m’adressant un état des villes, paroisses ou communautés de votre généralité où la maladie contagieuse des bestiaux a pénétré. Vous avez bien fait d’user de rigueur envers les particuliers qui ont contrevenu à ce qui est prescrit par vos ordonnances concernant cette maladie. Le moyen le plus propre à en arrêter les progrès est d’empêcher les communications et je vous prie de vouloir bien continuer à y donner tous vos soins. Je crois devoir vous envoyer une lettre que le procureur du Roi, de Gimont, m’a écrite, par laquelle il m’observe que cette maladie fait des ravages infinis à une lieue et demie de cette ville et que malgré les précautions prises par les officiers municipaux pour empêcher toute communication, l’on y fait passer pendant la nuit des bœufs pour les boucheries de Toulouse. Comme il est essentiel de remédier très promptement à cette fraude, si elle existe, vous voudrez bien faire vérifier les faits et prendre les mesures que vous croirez nécessaires pour boucher les passages, de manière à faire cesser un abus qui ne peut que devenir très préjudiciable. Au surplus, il n’est pas possible de prévenir d’aussi loin tous les abus. Je ne puis que vous recommander de vous concerter avec le commandant de la province pour prendre les mesures les plus justes et les plus promptes pour empêcher toute communication.

Deuxième lettre.

1er janvier.

Je pense bien comme vous, M., qu’il ne sera pas possible de dédommager tous les malheureux propriétaires de votre généralité des pertes qu’ils auront pu faire ; aussi n’est-ce pas sur cet objet que je vous demande votre avis, mais ce qui me donne beaucoup d’inquiétude, c’est le moyen de faire pourvoir à la culture des terres pour le printemps prochain ; c’est sur quoi je vous prie de ne pas perdre un moment pour prendre des éclaircissements et me mander vos vues afin que je voie le parti que le Roi pourra prendre ; le temps approche et il serait bien à désirer de prendre d’avance les précautions nécessaires.

Troisième lettre.

10 janvier.

Quoique l’arrêt du Conseil, M., dont je vous ai envoyé un exemplaire ne vous autorise qu’à faire tuer les 8 ou 10 premières bêtes qui tomberont malades dans chaque communauté, vous pouvez et vous devez même, suivant les circonstances, porter ces ordres plus loin ; toute autre considération doit céder à l’espoir d’arrêter les progrès d’un fléau aussi affligeant pour votre généralité et aussi effrayant pour le Royaume. Faites-en faire l’avance par le receveur général des finances de la province et nous concerterons ensuite les moyens de pourvoir au remboursement.

Il m’est bien difficile de répondre précisément à tous les articles contenus dans votre lettre du 29 du mois dernier. Je ne connais pas assez le local de votre généralité pour m’expliquer sur la position des différentes vallées où vous proposez de renfermer le bétail qui est demeuré sain ; mais, en général, je ne puis qu’approuver l’esprit de l’ordonnance que vous avez rendue. Prenez garde cependant, en laissant introduire les bestiaux dans les paroisses où la contagion a cessé, qu’ils ne soient infectés de nouveau par l’air qui pourrait en être resté dans les étables. Il y a des moyens de les purifier, qui ont été publiés par M. de Vicq d’Azir à Bordeaux, en y faisant faire des fumigations convenables. Consultez sur cela les personnes les plus expérimentées, et surtout les élèves de l’école vétérinaire.

J’approuve très fort l’attention que vous avez d’éviter de mettre les différentes autorités en contradiction. Je crains toujours, en pareilles circonstances, l’empressement qu’ont ordinairement les Parlements de rendre des arrêts ; l’autorité des Intendants et celle des commandants militaires est plus prompte et par là plus active. M. le Comte de Fumel, qui commande à Bordeaux, a été autorisé à envoyer des troupes dans votre généralité, et son commandement y a été étendu pour cet objet. Concertez-vous avez lui ; tâchez aussi de vous concilier avec les évêques et engagez-les à concourir avec vous pour faire parvenir dans les différentes paroisses, par la voie des curés, les instructions nécessaires. La lettre de M. l’Archevêque de Toulouse vous sera sans doute parvenue. Vous y verrez avec quel zèle et quelle sagesse il distribue les instructions utiles et il éclaire les démarches des pasteurs pour le soulagement du peuple. Je ne doute pas que les autres évêques des provinces affligées par ce terrible fléau ne soient animés des mêmes vues et du même amour pour le bien public. En vous concertant avec eux, en leur faisant connaître les intentions bienfaisantes du Roi, vous les engagerez facilement à user des moyens qui sont entre leurs mains pour répandre les instructions et les consolations.

Quoique je craigne, comme je viens de vous le dire, les Arrêts du Parlement en pareille matière, je ne crois pas que celui du 5 du mois dernier soit dans le cas d’être cassé. La liberté de vendre les bœufs qui seront jugés sains et qui, par leur âge, paraissent plutôt destinés à la nourriture qu’au service, ne me semble pas avoir d’inconvénient. Mais il est essentiel d’avoir la plus grande attention à ce qu’ils ne soient pas attaqués de la maladie, tant pour ne pas exposer les hommes à consommer un aliment dangereux, que dans la crainte que ce ne soit un moyen de propager la contagion et de la communiquer dans les lieux où elle n’aurait pas pénétré.

Vous sentez que toutes les instructions que je puis vous donner, étant aussi éloigné, ne peuvent être que fort générales : l’application que vous en ferez dépend de votre prudence…

Quatrième lettre.

21 janvier.

J’ai reçu, M., vos lettres des 8 et 9 de ce mois. Je vois avec satisfaction, par les derniers avis que vous avez reçus, que la maladie commence à s’adoucir. Il faut espérer que toutes les précautions que l’on a prises ramèneront le calme.

Vous avez fort bien fait de donner les ordres les plus étendus aux Consuls des communautés dépendantes de votre généralité, enclavées dans celles dépendantes du Languedoc, d’exécuter ponctuellement ceux que M. de Cadignan pourrait leur donner relativement au cordon de troupes envoyées par M. de Périgord.

Je crois la défense que vous proposez de faire passer en Espagne, les moutons, brebis et agneaux, contraire à la liberté du commerce qui est plus nécessaire que jamais dans les circonstances présentes. Ce serait ôter une ressource aux propriétaires de ces bestiaux qu’il faut leur laisser.

À l’égard des arrêts du Parlement de Toulouse dont vous m’avez envoyé des imprimés, je me propose d’en rendre compte au Roi aussitôt que je serai délivré de la goutte qui me retient au lit à Paris. En attendant, je vous prie de tenir la main à l’exécution des arrêts du Conseil et, quoique par celui du 18 du mois passé, il ne soit accordé des dédommagements que pour les 10 premières bêtes, je vous ai déjà mandé que je vous autorisais à faire payer le 1/3 de la valeur de toutes les bêtes qui auront été tuées au delà des 10 premières, et vous ferez bien de rendre une ordonnance pour l’annoncer.

Cinquième lettre.

22 janvier.

J’ai reçu, M., avec votre lettre du 7 de ce mois, les exemplaires de l’ordonnance que vous avez rendue, conformément à ce que je vous avais mandé, de faire tuer les 8 ou 10 premières bêtes malades et contenant d’ailleurs des précautions à prendre pour empêcher la communication des bestiaux. Les dispositions de cette ordonnance me paraissent bien longues à remplir pour s’assurer si les bêtes à cornes sont attaquées de la maladie épizootique. Il me paraît qu’il faut s’en tenir à celles de l’Arrêt du Conseil du 18 décembre dernier… Je vous ai déjà mandé que vous ne pouviez faire un meilleur usage des 30 000 l. d’une part et des 40 000 de l’autre, que j’ai autorisé les États de Béarn à emprunter sur la Caisse des Ponts et Chaussées, que de les employer à payer le tiers de la valeur des bestiaux tués, et, au surplus, que si ces fonds ne suffisaient pas, vous pourriez comme je vous l’ai mandé le 4 de ce mois, les faire payer sur la recette générale des finances… Quant aux gratifications à accorder, tant aux médecins qu’à vos subdélégués et même à la maréchaussée, ainsi que des secours aux gentilshommes peu aisés et autres particuliers qui ont fait des pertes, il me paraît bien difficile d’y subvenir dans ce moment-ci…

P. S. — Il serait impossible d’arrêter la contagion avec toutes ces longueurs. Il faut absolument que vous ayez dans chaque communauté un homme de confiance que votre subdélégué ait autorisé et qui puisse donner des ordres et les faire exécuter sur-le-champ : soit le juge, soit le premier officier de la communauté. La célérité est tout dans de pareilles matières.

3. Lettre au duc de la Vrillière pour demander une Chaire au Collège Royal en faveur de Vicq d’Azir.

4 janvier.

M. Vicq d’Azir, de l’Académie des Sciences, dont le mérite et le talent vous sont connus, M., est actuellement employé par ordre du Roi dans les provinces méridionales du Royaume pour arrêter les progrès de la maladie pestilentielle qui se répand de plus en plus. Comme son absence en pareil cas ne doit pas lui préjudicier, qu’elle lui donne au contraire un titre de plus pour prétendre aux récompenses, j’ai l’honneur de vous le recommander pour lui faire obtenir de la bonté du Roi une chaire qui vaque depuis peu de temps au Collège Royal par la mort de M. Bellot. M. d’Azir a rendu des services importants depuis qu’il est employé dans la Guyenne ; il a déjà reçu des marques de votre protection, et j’ai lieu de croire que, parmi ceux qui peuvent être en concurrence avec lui pour la chaire du Collège Royal, il en est peu qui soient aussi capables de la bien remplir et qui aient autant de titres pour la demander.

4. Arrêt du Conseil accordant une prime par mulet ou cheval vendu dans les marchés des généralités frappées par l’épizootie.

[A. N., K. 906. — D. P., VII, 141.]

8 janvier.

Le Roi, étant informé de la continuité des ravages que la maladie épizootique a faits dans quelques-unes des provinces méridionales de son royaume, nonobstant les précautions qui ont été prises par ses ordres, soit pour en diminuer la cause, soit pour en arrêter les progrès, et S. M. voulant, en même temps qu’elle prend toutes les mesures possibles pour en empêcher les progrès ultérieurs, en diminuer les mauvais effets et prévenir le tort que la perte de tant d’animaux aratoires pourrait causer à la culture, elle a jugé de sa sagesse et de ses vues de bienfaisance et d’amour pour ses peuples, d’encourager l’importation des mulets et des chevaux propres au labour dans les provinces privées par la maladie des bêtes à cornes de leurs ressources accoutumées pour la préparation et l’ensemencement de leurs terres. À quoi voulant pourvoir : … le Roi étant en son Conseil, … ordonne[3] …

I. Il sera payé une gratification ou prime de 24 livres par chaque mulet ou cheval propre à la charrue, qui sera vendu dans les marchés de Libourne, Agen et Condom, de la généralité de Bordeaux, … en justifiant devant le subdélégué que les animaux qui seront vendus viennent d’une autre province que celles qui composent les généralités de Guyenne, Auch, Navarre, Béarn et généralité de Bayonne…

II. Il sera payé aux mêmes époques et conditions une prime ou gratification de 30 livres, par chaque mulet ou cheval propre au labour qui auront été vendus dans les marchés de Dax, Mont-de-Marsan, Auch, Bayonne, Orthez, Pau, Tarbes, Mirande, Saint-Sever, Oloron, … en observant les mêmes formalités pour la marque…

5. Lettre au procureur général du Parlement de Toulouse (Miquet).

(Intervention des Parlements dans la défense contre l’épizootie.)

10 janvier.

J’ai reçu, M., la lettre par laquelle vous m’envoyez les arrêts que le Parlement de Toulouse a rendus au sujet de la maladie des bestiaux ; j’ai pris les ordres du Roi pour autoriser M. de Saint-Priest à prendre toutes les mesures possibles pour arrêter ce fléau de concert avec M. de Périgord qui a aussi reçu les pouvoirs nécessaires pour agir selon les circonstances. Je ne puis que les engager l’un et l’autre à donner les ordres les plus prompts, nécessaires dans un moment aussi fâcheux ; leurs instructions consistent à faire tuer les bêtes malades qui pourraient communiquer la contagion et à couper rigoureusement toute communication quelconque. C’est le seul moyen qui puisse faire espérer une fin à ce terrible fléau. Je ne doute pas que le Parlement de Toulouse ne soit animé des mêmes vues. Mais ce qu’il y a de bien important, c’est que les différentes autorités ne se croisent pas et ne se nuisent pas l’une à l’autre en voulant aller au même but. Il me semble que, dans de si tristes circonstances, l’intérêt commun du peuple doit l’emporter sur toute autre considération. L’autorité des commandants et des intendants est plus active, plus prompte et par là quelquefois plus utile dans ces moments de calamité, où le salut de tout le Royaume peut dépendre de la promptitude avec laquelle un ordre salutaire est exécuté. Je ne puis donc que vous prier de ne rien faire que de concert avec M. le comte de Périgord et M. de Saint-Priest. M. l’archevêque qui vient de faire si bien connaître ses sentiments paternels pour les peuples de son diocèse et la sagesse de ses vues dans la lettre circulaire qu’il a écrite à ses curés, peut aussi être d’un grand secours. Enfin, M., ce que je vous recommande avec le plus de soin et d’instance, et ce dont le Roi vous saura le plus de gré, c’est que toutes les autorités se rassemblent pour le soulagement du peuple. Quant à la prohibition de la sortie des moutons que vous paraissez désirer qui ait lieu, il ne me paraît pas que ce soit ce dont on doit s’occuper dans ce moment-ci. Le besoin retiendra dans la province toutes les denrées qui seront nécessaires à sa subsistance sans priver les cultivateurs, qui ont déjà perdu leur gros bétail, du peu de ressources qu’ils trouveront dans la vente de leurs bêtes à laine.

6. Lettre à l’Évêque de Tarbes.

(Mesures à prendre dans son diocèse.)

10 janvier.

Le parti que vous avez pris de faire tuer tous les bœufs qui se sont trouvés dans les endroits de votre diocèse où il en était déjà mort est, sans contredit, le meilleur moyen d’empêcher toute communication. On aurait peut-être pu conserver les bœufs qui étaient sains, mais puisque vous en avez dédommagé les propriétaires, ils seront moins à plaindre. Je crois qu’il serait bon de faire purifier les étables où étaient ces bœufs. L’interruption du commerce que vous craignez est indispensable ; la province de Bigorre en souffrira, mais moins que les provinces qui ont perdu tout leur bétail et auxquelles on ne peut apporter du secours, dans le moment présent. Je ne puis que vous inviter à continuer de secourir tous ceux que vous reconnaîtrez être dans le plus grand besoin[4].

7. Lettres à Saint-Priest fils, adjoint à l’Intendant du Languedoc, pour le remercier de son concours.

17 janvier.

Il y a tout lieu d’espérer qu’au moyen du cordon de troupes que vous avez fait placer dans un endroit convenable, vous réussirez à préserver l’intérieur de la contagion qui continue ses ravages dans le Diocèse de Comminges…

P. S. — Vous ne devez pas douter du plaisir avec lequel je mettrai sous les yeux du Roi les marques du zèle que vous avez données dans cette occasion en vous transportant partout où le danger rendait votre présence utile. Je l’aurais déjà fait, si la goutte ne me retenait dans mon lit à Paris[5].

8. Lettre au Comte de Périgord le remerciant de son concours.

19 janvier.

J’ai reçu, M., les lettres que vous avez pris la peine de m’écrire les 4 et 6 de ce mois par lesquelles je vois les dispositions que vous avez faites sur la droite de Toulouse dans la partie du diocèse de Montauban qui appartient au Languedoc et dans celle du diocèse d’Albi qui avoisine le Rouergue pour empêcher la communication des bestiaux des pays infectés d’avec ceux de la Province qui sont encore sains.

Je ne puis qu’applaudir au zèle qui vous anime dans une circonstance aussi cruelle. Je vous prie de vouloir bien continuer tous vos soins à cet objet intéressant et de concourir en tout ce qui pourra dépendre de vous du succès des mesures qui seront prises pour arrêter ce fléau.

P. S. — Vous devez avoir reçu des lettres qui vous donnent tout pouvoir soit en Languedoc, soit dans la généralité de Montauban. J’en suis convenu avec M. le Comte du Muy.

9. Lettre à l’Intendant du Languedoc (Saint-Priest père).

(Au sujet de l’Arrêt du Conseil du 18 décembre.)

19 janvier.

Je vois, M., par la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 9 de ce mois que vous n’avez point fait publier l’Arrêt du Conseil du 18 décembre dernier, à cause qu’il n’est fait mention du dédommagement que des dix premières bêtes qui auront été tuées. Je ne puis que m’en rapporter à vous sur cet objet que vous voyez de plus près que moi. Cependant, comme cet arrêt a été publié dans les provinces voisines, vous pourriez peut-être le publier de même et vous pouvez en même temps rendre une ordonnance par laquelle vous déclarerez que vous êtes autorisé à faire payer le tiers de la valeur de toutes les bêtes qui auront été tuées au delà des 10 portées par l’arrêt[6].

M. votre fils m’a exactement rendu compte de tout ce qui se passe. Je lui ai mandé tout le plaisir qu’il m’a fait, et que, sans la goutte qui me retient à Paris dans mon lit, j’aurais déjà rendu compte au Roi des marques de zèle qu’il donne en se transportant partout où sa présence peut être utile et j’espère le faire incessamment.

P. S. — Je vois, par une lettre que je reçois de vous, toutes les précautions que vous avez prises pour empêcher le progrès de la contagion. Je ne puis que vous marquer la plus vive satisfaction de la prudence et de l’activité que vous avez mis, M. votre fils et vous, à cette précaution. Elles me donnent beaucoup de tranquillité sur la crainte que j’avais que la maladie ne gagnât le Languedoc et, par là, les autres provinces du Royaume.

10. Lettre au ministre de la guerre (Comte du Muy).

(Mesures à prendre.)

23 janvier.

(Turgot proposa au ministre de la guerre dans cette lettre de donner au Comte de Périgord le commandement général pour toutes les mesures de défense contre l’épizootie.)

P. S. — Je crains fort qu’il n’y ait des paroisses du Périgord attaquées de nouveau et que la maladie ne s’approche par là du Limousin. Vous savez que vous pouvez compter sur l’intelligence et l’activité de M. de Sombreuil, maréchal de camp, qui a à Limoges le titre de commandant, mais sur les troupes seulement et dans la ville. Il pourrait être utile que vous lui donnassiez des pouvoirs plus étendus pour le moment et qu’il put même donner des ordres dans les parties voisines du Poitou, de l’Angoumois et du Périgord, toujours sous ceux du Comte de Périgord, mais il serait à désirer qu’il y ait à portée quelque infanterie et c’est ce qui sera peut-être difficile.

11. Lettre au Comte de Fumel.

(Mesures à prendre.)

23 janvier.

J’ai reçu, M., les deux lettres que vous m’avez écrites le 14 de ce mois sur l’état actuel de la maladie des bestiaux ; vos réflexions au sujet du cordon intérieur au delà du pays infecté proposé par M. Vicq d’Azir me paraissent très judicieuses ; comme vous êtes sur les lieux mêmes, personne n’est plus à portée que vous de savoir ce qui peut s’exécuter, et je ne puis qu’approuver toutes les dispositions que les circonstances vous engagent à faire. Je vois avec plaisir que M. le comte du Muy vous annonce de nouvelles troupes. Vous ferez très bien de vous concerter avec M. l’Intendant d’Auch pour savoir les cantons de sa généralité qui auront besoin de leurs secours. Recevez mes remerciements de l’attention que vous voulez bien avoir de me faire part de ce qui se passe relativement à cette maladie dont les ravages paraissent en général se ralentir.

P. S. — Depuis ma lettre écrite, j’ai reçu la vôtre du 17 de ce mois qui m’apprend de bonnes nouvelles sur l’état de l’épizootie dans tous les cantons de la généralité de Bordeaux à l’exception du Condomois qui souffre toujours les mêmes ravages. L’on ne peut effectivement rien faire de mieux à présent que de prendre des précautions pour se garantir du retour de ce fléau en faisant purifier les granges et étables des paroisses où il n’y a plus de bêtes malades, suivant la méthode indiquée par M. Vicq d’Azir.

12. Lettre à l’Intendant de la Rochelle (Monthyon).

(Mesures de défense.)

25 janvier.

J’ai de la peine à concevoir, M., que vous me proposiez d’abandonner une aussi grande partie de votre généralité à la contagion, sur la nouvelle que vous avez reçue qu’une seule bête est morte dans une paroisse de votre généralité ; les épreuves faites dans les autres provinces constatent que les seuls moyens d’arrêter les progrès de cette maladie est de sacrifier toutes les bêtes malades sans exception et de garantir les saines de toute communication, même avec les hommes qui auraient soigné celles malades ; c’est à quoi peuvent servir les troupes et la maréchaussée qui sont à portée. Ne perdez donc pas de temps pour donner les ordres les plus précis et les plus prompts et faites établir le cordon le plus près que vous pourrez des paroisses infectées ; si même, il n’y en avait qu’un très petit nombre, vous feriez bien de vous contenter de les faire soigneusement investir, de manière que les animaux qui y sont ne puissent avoir de communication, ni directement, ni indirectement par les hommes ou les autres animaux avec ceux des paroisses encore saines. Mais surtout, recommandez, de la part du Roi, la plus grande célérité à vos subdélégués et autres chargés de vos ordres, qu’ils ne s’amusent pas à faire dresser des procès-verbaux, qu’ils fassent tuer sans délai toutes les bêtes qui donneront des symptômes de maladie. Prenez aussi les précautions nécessaires pour que le tiers de la valeur soit payé sur-le-champ. Enfin, je vous recommande d’ordonner les précautions les plus sûres pour que ces animaux tués soient enterrés dans des fosses profondes de 10 à 12 pieds et bien recouvertes, que le lieu soit entouré, afin que les chiens et autres animaux ne puissent les déterrer. Vous devez sentir que le salut de votre généralité dépend de votre exactitude à faire exécuter ces précautions[7].

13. Lettre à l’Intendant de Perpignan et du Roussillon (de Clugny).

(Mesures de défense. — Intervention des Parlements.)

28 janvier.

C’est avec la peine la plus vive, M., que j’apprends, par votre lettre du 21 de ce mois, que la maladie épizootique qui règne depuis longtemps dans la Guyenne a pénétré dans le Roussillon. Je vous envoie l’Arrêt du Conseil du 18 décembre 1774 et je vous prie de le faire publier et d’ordonner que non seulement les dix premières bêtes malades dans chaque paroisse seront tuées, mais en même temps que celles qui seront atteintes des symptômes de l’épizootie…

Je vous adresse un projet d’instruction à donner à tous vos subdélégués…

Je ne puis approuver la défense de la sortie des moutons et des autres animaux portée par l’Arrêt du Conseil supérieur. Les Cours n’ont pas le droit de faire de pareilles défenses, qui ne peuvent être faites que par le législateur. Je désirerais fort que ce tribunal put les lever lui-même. Je vous prie de m’adresser un exemplaire de cet arrêt en forme, aussitôt que vous l’aurez reçu. Ces défenses sont absolument inutiles, parce que l’augmentation du prix des viandes destinées à la consommation suffit pour arrêter cette exportation, et c’est ôter aux propriétaires, déjà bien malheureux par la perte de leurs bêtes à cornes, les ressources qu’ils peuvent espérer dans la meilleure vente de leurs autres bestiaux.

Sur le compte que j’ai rendu au Roi, dans son Conseil, de l’état des provinces ravagées par ce fléau, S. M. a pris le parti d’ordonner de faire marcher des troupes pour en éteindre toutes les semences. M. le Comte de Mailly recevra vraisemblablement des ordres à ce sujet, et comme le Roussillon et le pays de Foix en sont infectés en quelques endroits, l’intention du Roi est que ces troupes s’avancent en ligne depuis le Roussillon en purifiant et désinfectant successivement les lieux attaqués, traversent ensuite le pays de Foix et le Louzerans et s’avancent par Comminges pour pénétrer jusqu’au centre de la Guyenne, de manière qu’à mesure qu’une province aura été purifiée, elle se trouvera séparée des autres par ce cordon de troupes qui avanceront successivement, à mesure que les causes de la contagion auront été détruites. Je vous prie de donner les ordres les plus précis à vos subdélégués pour qu’ils se concertent avec les officiers chargés de cette opération et qu’ils visitent exactement tous les lieux de leur subdélégation, à l’effet de faire tuer tous les animaux en qui on aura remarqué les premiers signes de cette dangereuse maladie. Je crois que c’est le seul moyen de se mettre en garde contre les ravages qu’on peut en craindre. ·

14. Arrêt du Conseil rappelant celui du 18 décembre 1774[8].

[D. P., VII, 165.]

30 janvier.

…L’arrêt du 18 décembre 1774 sera exécuté selon sa forme et teneur ; et S. M. l’interprétant et étendant ses dispositions, en tant que de besoin, ordonne que tous les animaux, qui seront reconnus malades de cette maladie, seront tués sur-le-champ et enterrés en suivant les précautions et les formalités ordonnées par ledit arrêt du 18 décembre 1774, aussitôt qu’on aura bien constaté les signes de l’épizootie. Veut S. M. qu’il soit tenu compte au propriétaire du tiers de la valeur qu’ils auraient eue, s’ils avaient été sains ; ordonne que les cuirs desdits animaux, tués en conséquence du présent arrêt, ou morts de leur mort naturelle, seront tailladés de manière qu’on ne puisse plus en faire usage. Fait S. M. très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes, sous quelque prétexte que ce puisse être, de conserver aucuns cuirs provenant d’animaux suspects de ladite maladie, de les préparer, transporter, vendre ou acheter ; ainsi que les fumiers, râteliers et autres choses à l’usage desdits animaux, et reconnus capables de porter la contagion, sous peine de 500 livres d’amende contre chacun des contrevenants…

15. Lettre à l’Intendant du Languedoc (de Saint-Priest)[9].

(Mesures de défense. — Intervention des Parlements).

31 janvier.

… S. M. ayant jugé à propos de prendre un parti général, pour détruire ce fléau jusque dans sa racine, M. le comte du Muy vient de donner des ordres pour faire marcher des troupes dans toutes les provinces qui en sont attaquées, et pour faire tuer tous les animaux malades et désinfecter toutes les étables. M. le comte de Périgord sera chargé du commandement des troupes qui seront destinées à entrer dans la Guyenne par le Languedoc et de celles qu’on y fera avancer du Roussillon. Il n’y a que bien peu de choses à faire dans le Languedoc, pour achever de débarrasser entièrement cette province des semences de l’épizootie qui y restent. Je vous prie de continuer d’y donner la même attention et de donner à vos subdélégués, aux officiers municipaux et aux syndics des villages des ordres prompts pour exécuter les services qu’on sera dans le cas d’exiger d’eux.

Je n’ai point approuvé les Arrêts du Parlement de Toulouse qui défendent de tuer les bœufs et les veaux. J’espère que cette Cour reconnaîtra l’inutilité de faire de pareilles défenses et le préjudice qu’elles portent aux propriétaires de bestiaux. J’en ai écrit à M. le premier Président ; j’aurais proposé au Roi de casser ces arrêts si je ne craignais, dans de pareilles circonstances, ce qui peut avoir l’air du combat entre les différentes autorités et si je n’avais espéré que cette Cour, plus éclairée sur les véritables principes, se relâcherait de ses défenses.

Par la même raison, je ne suis point d’avis de la défense de la sortie du mouton. Le meilleur prix qu’on donnera de ses animaux suffira non seulement pour en arrêter dans la province la quantité qui sera nécessaire pour la subsistance, mais même en attirera des provinces voisines et en fera importer par contrebande des pays étrangers.

J’ai toujours éprouvé que ces prohibitions, loin d’amener l’abondance générale, gênaient la circulation et faisaient plus de mal que de bien[10].

16. Lettre à l’évêque de Comminges[11] lui envoyant des instructions et le félicitant de sa charité.

3 février.

… Mais je crains que ce zèle ne vous porte à faire des efforts trop grands et pendant que vous ne consultez que votre charité, S. M. doit s’occuper d’en modérer, s’il est possible, les effets, et chercher à vous conserver des revenus dont vous faites un sublime usage. D’après ces réflexions, il me paraît que l’emprunt que vous proposez de faire sur votre évêché est un peu considérable.

(On le prie de faire de nouvelles propositions.)

17. Mémoire instructif sur l’épizootie.

[A. N., K. 906. — D. P., VII, 169.]

(Situation actuelle. — Obstination des paysans. — Nécessité de mesures énergiques. — Cordon de troupes. — Désinfection. —Intérêt des propriétaires. — Instructions aux divers commandants et aux intendants.)

4 février.

L’expérience a fait voir que toutes les précautions prises jusqu’à présent pour arrêter les progrès de la maladie épizootique répandue en Guyenne sont insuffisantes, et que, malgré les cordons de troupes qui ont été formés, malgré la vigilance des officiers qui les commandent, réunie à celle des administrateurs, l’on n’a pu empêcher que l’imprudence ou l’avidité de quelques particuliers, soit en conduisant par des chemins détournés des bestiaux suspects, soit en transportant en fraude des cuirs d’animaux morts de la contagion, ne lui aient fait franchir la barrière qu’on avait cru y opposer, en sorte que la maladie s’est montrée tout à coup à des distances très éloignées, et au milieu de provinces qui se croyaient à l’abri du danger. Dans plusieurs endroits, on est parvenu à l’étouffer sur-le-champ par la célérité avec laquelle on a fait tuer toutes les bêtes malades, séparer toutes les bêtes saines, et désinfecter les étables. On ne saurait trop louer l’ardeur et l’unanimité avec lesquelles toutes les autorités se sont concertées pour garantir le Languedoc de ce fléau. Cependant, malgré le zèle des États, la vigilance de M. le comte de Périgord et celle de M. de Saint-Priest, la maladie a pénétré dans plusieurs endroits de cette province, et n’a y pu être étouffée que par des mesures prises avec une activité et une célérité vraiment admirables et que, par là même, on ne peut pas espérer trouver dans toutes les provinces, surtout dans celles où la maladie peut se montrer tout à coup sans que personne s’y soit attendu et sans qu’on y soit instruit d’avance des précautions à prendre.

Tant que la maladie subsistera dans un pays aussi vaste que celui qu’elle embrasse actuellement, on doit toujours craindre qu’elle ne gagne les provinces voisines, et que de proche en proche elle n’infecte la totalité du Royaume.

On ne peut se flatter de prévenir une aussi grande calamité qu’en attaquant le mal dans toutes les parties qu’il a déjà désolées, et en y éteignant, s’il est possible, tous les germes de la contagion. Ce parti est d’autant plus pressant à prendre qu’on peut encore espérer de sauver par là un très grand nombre de paroisses, et même plusieurs cantons très étendus où la maladie n’a point encore pénétré, par la vigilance des habitants et des administrateurs à intercepter toute communication avec les lieux infectés. Mais leur vigilance court à chaque instant risque de devenir inutile, puisque, aussi longtemps qu’ils seront environnés de toutes parts des foyers de la contagion, la plus légère imprudence suffit pour déconcerter toutes leurs mesures, et les rendre tôt ou tard victimes de la négligence de leurs voisins.

Il y a d’autres cantons où les paysans, trompés par les fausses espérances que leur ont données des charlatans, s’obstinent à garder les bestiaux malades jusqu’à ce qu’ils meurent ; à les laisser confondus avec les bestiaux sains dans les mêmes étables, dans les mêmes pâturages ; à ne prendre aucune précaution pour purifier les étables où la maladie a régné, avant d’y mettre d’autres bestiaux. Rien n’a pu vaincre l’opiniâtreté des paysans du Condomois sur tous ces points, et c’est à cette cause surtout qu’on doit attribuer la violence avec laquelle la maladie a ravagé cette partie de la Guyenne. Tant qu’on laissera subsister de pareils foyers du mal, jamais ce fléau ne cessera de menacer les parties saines ; la contagion deviendra éternelle ; elle ne finira pas même par la destruction de tous les animaux existants dans les lieux attaqués, parce que les étables et les râteliers infectés feront renaître la maladie, lorsqu’au bout de quelque temps on les aura repeuplés de nouveaux bestiaux. Ce sera donc un levain de contagion toujours subsistant dans le Royaume, toujours prêt à infecter la masse entière, et à produire de temps en temps des épizooties générales.

Ces considérations ont fait penser à S. M. qu’il était indispensable de s’occuper sans délai à détruire entièrement cette maladie, et à en déraciner tous les germes dans tous les lieux où elle a pénétré jusqu’à présent.

S. M. s’est convaincue que ce projet n’a rien que de très praticable : en effet, il est constaté par le rapport de tous les gens de l’art, de tous ceux qui ont observé la nature de cette maladie et la marche de ses progrès, et en particulier par les expériences multipliées qu’a faites M. Vicq d’Azir, médecin de l’Académie des sciences, envoyé par le Roi sur les lieux, que le mal ne se répand que par la communication médiate ou immédiate du bétail malade avec le bétail sain : en sorte que, dans les lieux mêmes où la contagion déploie le plus sa fureur, les bestiaux qu’on a tenus enfermés et isolés de toute communication, ont été préservés du mal. Ce fait, qui est constant, donne lieu de se flatter que cette peste est étrangère au Royaume, et qu’elle y a été introduite par des cuirs arrivés par mer à Bayonne.

Il suit de là que si, dans une paroisse où la contagion a pénétré, l’on tue sans exception toutes les bêtes malades, si on les brûle ou si on les enterre avec leurs cuirs et leurs cornes, de façon à empêcher que leurs cadavres ne deviennent une nouvelle source de contagion ; si l’on éloigne de toute communication les troupeaux où il n’y a point eu de bêtes malades ; si l’on tient renfermés dans des étables particulières les bêtes encore saines, retirées des étables où il y a eu des bêtes malades, et si l’on a soin de les tenir ainsi séparées des autres bêtes saines jusqu’à ce qu’on se soit assuré, par un temps assez long, qu’elles n’ont point contracté la maladie ; si on purifie les étables où il y a eu des bêtes malades, avec les précautions les plus sûres et dont l’efficacité est reconnue en pareil cas, l’on parviendra à éteindre entièrement le mal dans cette paroisse, au point qu’on pourra la repeupler de bestiaux sains, sans craindre d’exposer ces nouveaux venus à la contagion.

L’expérience a confirmé ce raisonnement ; la maladie s’est montrée dans plusieurs paroisses du Périgord, où elle a été éteinte tout de suite par la sage précaution qu’on a prise de tuer sur-le-champ toutes les bêtes malades, et de désinfecter les étables. De même, la contagion n’a fait aucun progrès en Languedoc, quoiqu’elle se soit montrée dans plusieurs paroisses assez éloignées les unes des autres, et cela parce qu’on n’y a pas perdu un moment à prendre toutes les précautions nécessaires pour en éteindre tous les germes.

Il est donc clair qu’en faisant à la fois, dans le plus grand nombre de paroisses qu’il sera possible, toutes les opérations exécutées avec succès pour désinfecter quelques paroisses du Languedoc et du Périgord, et en continuant d’opérer ainsi successivement sur toutes les paroisses qui sont ou qui ont été affectées dans l’étendue des provinces affligées de la maladie, l’on peut se flatter de purger entièrement le Royaume de ce fléau.

C’est le but des mesures que S. M. a prescrites, et qui vont être expliquées.

Le cordon de troupes qui a été formé jusqu’à présent sous les ordres de différents Commandants pour circonscrire les provinces actuellement affligées de la maladie, et garantir, s’il est possible, de la communication les provinces intactes, doit subsister pour continuer à remplir le même objet.

Outre ce premier cordon, il en sera établi d’intérieurs à quelques distances pour couper la communication entre des villages renfermés dans l’intervalle des deux cordons et le centre des provinces attaquées, afin qu’on puisse désinfecter à la fois tous les villages compris dans cet intervalle, sans avoir à craindre qu’une contagion nouvellement introduite vienne croiser les opérations.

Voici comme on procédera à cette désinfection.

Il sera envoyé, dans chacune des paroisses comprises dans l’intervalle qu’on aura entrepris de purifier, un détachement de soldats suffisant pour, avec les paysans qui pourront être commandés, exécuter toutes les opérations prescrites par l’instruction composée par le Sr Vicq-d’Azir, et imprimée par ordre du Roi pour la purification des paroisses. Ce détachement sera accompagné d’une personne experte, soit élève de l’École vétérinaire, soit chirurgien, soit maréchal, suffisamment instruite pour reconnaître les bêtes malades et exécuter tous les procédés indiqués par le Sr Vicq d’Azir. Il sera nécessaire qu’il y ait aussi une personne chargée des instructions de l’intendant ou du subdélégué pour donner les ordres convenables aux officiers municipaux, et pour faire payer sur-le-champ aux propriétaires le tiers de la valeur des bestiaux qu’on sera obligé de sacrifier.

On visitera toutes les étables et tous les bestiaux de la paroisse, sans exception, avec les précautions indiquées pour n’occasionner aucune communication entre les bêtes saines et les bêtes malades.

On fera tuer sans délai tous les animaux attaqués ; on les fera enterrer sur-le-champ, après avoir fait taillader les cuirs dans des fosses assez profondes pour que non seulement les animaux voraces ne puissent entreprendre de les déterrer et d’en emporter les chairs, mais encore pour que les émanations putrides qui s’en exhaleraient ne puissent répandre la contagion. Le plus sûr sera de mettre dans les fosses, avec les cadavres, une assez grande quantité de chaux vive pour que les chairs soient promptement consumées.

On aura soin de faire séparer les bêtes saines, de faire enfermer à part celles qui auront communiqué avec les malades, pour être gardées en quarantaine jusqu’à ce qu’on soit assuré qu’elles n’ont pu gagner la maladie, et l’on purifiera toutes les étables suivant la méthode décrite dans l’instruction de M. Vicq d’Azir.

Il est indispensable de mettre la plus grande exactitude et la plus grande fermeté dans l’exécution de ces ordres, et de vaincre, par toute la force de l’autorité, la résistance de ceux qui refuseraient de s’y prêter.

Le sacrifice des bestiaux attaqués, bien loin d’être onéreux aux propriétaires, leur devient très avantageux, puisque, malgré les recettes multipliées qu’on a répandues de tous côtés, malgré les espérances illusoires dont une foule de charlatans ont flatté des paysans aveuglés, une expérience trop malheureuse a constaté qu’aucun remède connu n’avait pu triompher de cette maladie. Tous les soins des élèves des Écoles vétérinaires, ceux des plus habiles médecins du pays, ceux de M. Vicq d’Azir, et les différentes tentatives qu’il a faites, n’ont servi qu’à constater cette triste vérité, qu’il n’y a contre cette maladie aucun remède sûr ; que, s’il n’est pas absolument impossible de sauver quelques individus, ce ne peut être que par un traitement commencé dès les premiers instants du mal, et suivi méthodiquement avec une attention dont il n’y a que les médecins les plus expérimentés qui soient capables ; qu’il serait insensé d’attendre ces soins assidus et réfléchis des personnes auxquelles sont nécessairement livrés les bestiaux des campagnes ; que les individus même qu’on sauverait infecteraient, pendant la durée du traitement, d’autres animaux qu’on ne sauverait pas ; qu’avec les soins les plus constants, et en employant les remèdes les plus appropriés, l’on ne sauverait jamais un animal sur vingt, peut-être sur cinquante animaux attaqués ; que, quand on aurait une espérance raisonnable d’en sauver un sur trois, le propriétaire serait exactement indemnisé du sacrifice des bestiaux tués, en recevant le tiers de leur valeur, et que, si l’espérance est presque nulle, comme il n’est que trop notoire, le payement de ce tiers est un pur acte de bienfaisance du Roi envers ses sujets.

Enfin, il n’y a d’armes contre cette contagion que de tuer et de séparer. Il serait indispensable de tuer tout ce qui est infecté pour sauver l’État entier, menacé d’un fléau destructeur. Combien ce sacrifice nécessaire ne doit-il pas devenir facile, quand le propriétaire y trouve encore son avantage ! Se relâcher sur cette précaution serait une condescendance funeste ; ce ne serait pas céder à une juste pitié ; ce serait se rendre complice de l’aveuglement d’une populace aussi ennemie d’elle-même que du bien public.

Quand toutes les paroisses comprises dans le canton qu’on aura d’abord entrepris de purifier seront entièrement désinfectées, on fera avancer le cordon intérieur de façon à embrasser un nouveau district à peu près de la même étendue, et l’on fera dans les paroisses de ce nouveau district les mêmes opérations que dans le premier, toujours avec la même rigueur, jusqu’à ce qu’elles soient entièrement désinfectées ; mais il sera prudent de laisser, dans quelques lieux principaux du premier canton déjà purifié, de forts détachements commandés par un officier intelligent, qui se fera instruire de la première apparition de la maladie dans les paroisses où elle pourrait se rencontrer, soit par quelque omission dans les premières opérations, soit par quelque communication nouvelle avec le pays encore infecté. Au premier avis, il se transportera sur le lieu pour étouffer le mal dans sa naissance, et faire de nouveau tout purifier.

Lorsque le premier canton désinfecté aura été quelque temps sans que le mal y reparaisse, et que les bêtes séparées des bêtes malades seront restées saines assez longtemps pour qu’on ne craigne plus qu’elles portent dans leur sang le germe de la maladie, il sera convenable de rapprocher des cantons infectés le cordon extérieur, afin de pouvoir pousser de plus en plus en avant les cordons intérieurs et les détachements chargés de visiter et de désinfecter les paroisses.

Le cordon extérieur peut être composé en partie de cavalerie : ce genre de troupe est même très avantageux, soit pour courir après les conducteurs de bestiaux ou les marchands de cuirs qui auraient trompé la vigilance des gardes afin d’en introduire du pays infecté dans le pays sain, soit pour se transporter rapidement dans les paroisses éloignées où la contagion peut se montrer tout à coup au milieu des provinces jusqu’alors intactes. L’infanterie est plus convenable pour les cordons intérieurs et pour les détachements chargés de désinfecter les paroisses.

Le Roi a donné ses ordres pour faire marcher dans la Guyenne, sur différents points, les troupes nécessaires pour suivre toutes ces opérations, et les divers Commandants recevront, ainsi que les Intendants, les ordres nécessaires afin que tous agissent de concert.

Il y a peu de paroisses attaquées en Roussillon, et il sera facile à M. le comte de Mailly de faire purifier toutes les paroisses qui ont pu être infectées dans l’étendue de son département.

Quant au Languedoc, au Quercy, et à la partie de la généralité d’Auch qui avoisine le Languedoc, M. le comte de Périgord sera autorisé à y faire agir toutes les troupes qui sont ou qui seront mises à ses ordres, pour entamer les opérations de ce côté par autant de points qu’il le jugera nécessaire, d’après la quantité de troupes qu’il pourra employer et les connaissances qu’il aura du local.

M. le comte de Fumel, avec les troupes qui sont et qui seront mises à sa disposition, commencera par faire désinfecter tout ce qui peut avoir été attaqué de la maladie, soit dans la Saintonge, soit dans le Périgord, et surtout dans les environs de Libourne, afin de circonscrire d’abord la maladie derrière la Dordogne et d’y replier ses postes. La cavalerie répandue dans la Saintonge et dans le Périgord suffira pour veiller sur les points où la contagion pourrait reparaître, et s’y porter pour l’étouffer. Il faudra ensuite nettoyer l’entre-deux mers, afin de donner à la maladie la Garonne pour limites. M. le comte de Fumel jugera alors, d’après la connaissance qu’il a des lieux, du nombre de points par lesquels il attaquera la maladie et la repoussera en resserrant toujours ses limites. Sans doute, il s’attachera à nettoyer le Médoc et les environs de Bordeaux pour ne rien laisser derrière lui. Il serait à désirer qu’on put attaquer le plus tôt possible le Condomois. Il paraît, par les rapports du Sr Vicq d’Azir, que c’est le foyer de contagion le plus actif et le plus permanent, parce que c’est le canton où l’aveugle crédulité dans des recettes de charlatans, et l’obstination à laisser communiquer les bêtes saines avec les bêtes malades, ont mis le plus d’obstacles aux précautions qui pouvaient seules ralentir les progrès du mal.

M. le comte d’Amon, de son côté, peut, avec les troupes des garnisons de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz, travailler à désinfecter le pays de Labour et pousser ensuite ses cordons et ses détachements, soit dans l’intérieur de la Guyenne, soit vers les vallées qui peuvent avoir été infectées, soit du côté des Landes.

Le Roi a cru convenable de ne point circonscrire les pouvoirs de ces trois Commandants aux limites de leurs commandements respectifs ; il a jugé nécessaire, au contraire, qu’ils suivissent chacun les opérations des troupes qu’ils auraient commencé à mettre en mouvement ; qu’ils poussassent chacun devant eux l’ennemi commun, en concertant ensemble leur marche et leurs opérations, jusqu’à ce qu’ils l’eussent resserré de tous côtés, en se rapprochant au point de vaincre entièrement et d’anéantir ce fléau.

S. M. a pensé que, dans une circonstance aussi pressante et aussi intéressante pour le bien de ses peuples, il fallait s’élever au-dessus des règles ordinaires et ne consulter que la célérité du service, qui certainement gagnera à ce que chaque Commandant puisse ordonner, partout où il pourra, de porter les forces dont il dispose. Elle connaît trop les sentiments dont sont animés ceux qu’elle charge de cette opération importante, pour ne pas se tenir assurée qu’ils répondront par le plus grand concert à la confiance qu’elle leur témoigne.

Il est superflu d’observer que la maréchaussée doit partout concourir avec les troupes aux opérations qui seront ordonnées.

M. les Intendants recevront, de leur côté, les instructions les plus précises pour se concerter avec MM. les Commandants dans les ordres qu’ils auront à donner pour concourir au même but.

Ils sont chargés de faire payer sur-le-champ aux propriétaires le tiers de la valeur des bestiaux qu’il faudra sacrifier. Ils pourvoiront pareillement aux dépenses qu’exigera la purification des étables.

Le Roi les a aussi autorisés à faire payer une gratification ou supplément de paye de deux sols par jour aux soldats et bas-officiers employés à toutes les opérations, soit des cordons, soit de la visite des paroisses.

À l’égard des officiers, le Roi se réserve de leur donner des marques de sa satisfaction sur le compte qui lui sera rendu de leur conduite par les Commandants sous les ordres desquels ils auront été employés.

Le Roi croit possible, avec le nombre de troupes qu’il fait marcher pour cette opération, de la consommer entièrement, et d’éteindre absolument la contagion dans l’espace d’environ deux mois, et il désire très vivement qu’on puisse y parvenir avant le retour des chaleurs qui, rendant les levains pestilentiels plus actifs et plus pénétrants, rendraient peut-être l’exécution des précautions prescrites moins sûre et moins efficace.

Il sera bien essentiel, quand l’opération sera entièrement terminée, de veiller encore quelque temps avec la plus grande attention pour être averti de tous les retours de la maladie, et pour être en état de se porter avec la plus grande célérité dans les lieux où elle pourrait se remontrer, afin de l’y éteindre sur-le-champ.

Une autre attention non moins importante est de s’assurer, par les informations les plus exactes, si cette maladie a pénétré en Espagne, et si elle y subsiste encore ; car, dans ce cas, il serait indispensable de conserver un cordon sur la frontière pour empêcher toute introduction de bestiaux ou de cuirs venant d’Espagne[12].

18. Lettre à l’Intendant de la Rochelle (de Monthyon).

(Fournitures pour les troupes. — Il faut éviter les fournitures forcées.)

13 février.

Je ne sais trop, M., quel est l’embarras que vous pouvez éprouver pour l’approvisionnement des chevaux des cavaliers du régiment de Bourgogne. Il me semble qu’il est d’usage que ce soit les officiers du régiment qui y pourvoient par des marchés qu’ils font de gré à gré, soit avec des fournisseurs, soit avec des laboureurs. Ce n’est que, dans les premiers jours de l’arrivée d’un régiment, que les Intendants ont soin de tenir prête une certaine quantité de fourrage dont ils font les marchés pour le compte du régiment.

Dans le cas de détachement, les officiers font eux-mêmes les marchés de gré à gré, et c’est aux subdélégués à leur en faciliter les moyens ou même à faire dans les premiers moments quelques marchés pour que la troupe ne soit point embarrassée en arrivant.

En général, il faut éviter autant qu’on peut toute espèce de fourniture forcée, même en payant. C’est une extrémité qu’il faut réserver pour les cas de nécessité absolue et lorsqu’il n’y a pas d’autres moyens d’assurer le service. Au surplus, ces sortes de détails sont laissés à la prudence de MM. les Intendants qui se déterminent suivant les circonstances et qui donnent à leurs subdélégués les instructions convenables[13].

19. Circulaire à divers intendants (Esmangard, Journet, de Clugny, de Saint-Priest, Terray, de Monthyon).

(Ventes des animaux atteints.)

18 février.

… On m’informe que plusieurs propriétaires trouvent le moyen de tromper toute la vigilance de ceux qui sont préposés pour faire exécuter ces précautions, qu’ils cachent leurs animaux malades et qu’ils les vendent ensuite en fraude, en les faisant passer par des chemins détournés et évitant les postes de troupes destinées à arrêter ces transports. Je pense que ces fraudes exigent de votre part la plus grande vigilance pour vous y opposer. Je crois qu’un des meilleurs moyens serait de faire faire des recensements, dans les villages et les métairies, du nombre de bestiaux appartenant à chaque propriétaire, en les obligeant de les représenter, morts ou vifs, sous peine d’amende[14].

20. Lettres au comte de Fumel.

(Mesures de défense dans la Saintonge et sur la frontière.)

Première lettre.

6 mars.

P.-S. — Je crois qu’il est de la plus grande importance de ne pas se négliger sur cette partie qu’il est très dangereux de laisser derrière soi sans être bien sûr que tout germe de contagion y est éteint. J’ai lieu de croire qu’il ne l’est pas entièrement en Saintonge ; on me mande que la contagion s’y est rencontrée dans deux paroisses. On me mande qu’il y a un médecin qui prétend guérir les animaux malades, ce qui augmente le danger en rendant les paysans plus indociles. Vous ne pouvez donner trop d’attention à avoir dans ces parties un officier sur l’intelligence et l’activité duquel vous puissiez vous en reposer entièrement.

Deuxième lettre.

10 mars.

Je vois avec bien de la satisfaction, M., que la maladie se dissipe dans les environs de Bordeaux et que la désinfection des granges est sur le point de finir. Je ne puis qu’approuver toutes les dispositions que vous ferez pour donner un cordon de troupes aux confins de la Navarre espagnole, et je m’en rapporte à votre intelligence et votre prudence. M. le comte du Muy doit donner les ordres pour faire employer les invalides en leur accordant les 2 s. de haute paye. J’ai prévenu les fermiers généraux de charger les employés de concourir à former les cordons et ils seront à vos ordres. Quant à la maréchaussée, il leur sera accordé une gratification qui sera réglée par M. l’intendant, relativement au service qu’il aura pu rendre et dont vous voudrez bien l’instruire.

21. Lettre à de Fourqueux, chargé de mission dans le sud-ouest.

11 mars.

Les nouvelles que vous me donnez, M., des espérances que vous concevez de voir rétablir la bonne intelligence entre les magistrats du Parlement de Bordeaux me font le plus grand plaisir. M. le garde des Sceaux ne manquera sûrement pas de vous en témoigner sa satisfaction. Je désire beaucoup que vous vous mettiez bien au fait de la situation de la province par rapport à l’épizootie, et je crains que M. de Fumel n’ait pas envoyé assez de troupes dans la Saintonge. Je vois, par ce que m’en mande M. de Monthyon, que l’état de cette province est très inquiétant. M. Trudaine vous a mandé que si cela ne vous dérange pas, je serais fort aise que vous pussiez vous entretenir avec M. l’archevêque de Toulouse que vous trouverez très au fait de l’état des choses dans le Languedoc et dans la Guyenne. J’imagine pour cette raison que ma lettre pourrait bien ne plus vous retrouver à Bordeaux. J’entends porter beaucoup de plaintes contre l’inexécution des ordres du Roi sur cet objet et je serais très aise de savoir par vous ce qui en est et ce qu’on en pense dans le pays.

22. Circulaire d’envoi aux Intendants et aux évêques d’un rapport de Vicq d’Azir et d’une brochure de Montigny.

[A. N., F12 151. — A. Marne. — Neymarck, II, 387.]

Versailles, 14 mars.

(L’ouvrage de Montigny, de l’Académie des sciences, contenait un recueil de toutes les pièces les plus instructives sur l’épizootie, et sur ce qui avait été ordonné en différents temps.)

23. Lettre au ministre des Affaires étrangères.

(Mesures de défense à prendre en Espagne.)

14 mars.

Vous avez entendu parler dans le conseil, M., des précautions que le Roi a jugé à propos d’ordonner dans plusieurs de ses provinces méridionales pour tâcher de détruire toutes les semences de la maladie des bestiaux dont elles sont affligées : mais inutilement ferait-on exécuter ces précautions, si on peut craindre que cette maladie, détruite dans le Royaume, y soit communiquée de nouveau des États voisins. Je me propose de vous entretenir incessamment des propositions qu’il y aurait à faire aux différentes puissances voisines pour les engager à concourir avec le Roi à la destruction totale de ce fléau, lorsque je serai pleinement éclairci des pays où elle paraît avoir originairement pris naissance. Mais je viens d’être informé par MM. les Intendants et Commandants des provinces limitrophes de l’Espagne que cette maladie paraît se répandre avec plus de force que jamais dans ce royaume, et nous sommes obligés de prendre les mesures les plus sûres pour nous défendre de toute introduction des bestiaux principalement de la province de Guipuscoa où la maladie paraît régner avec plus de force. Dans cette circonstance, il me semble qu’il serait à désirer que le roi d’Espagne donnât ordre aux Commandeurs de cette province de se concerter avec ceux du Roi et de prendre des précautions analogues à celles qui ont été prises en France. Dans cet esprit, je prends le parti de vous envoyer quelques exemplaires de l’instruction que le Roi a envoyée aux Commandants et Intendants dans la Guyenne, le Languedoc, et le Roussillon. J’y joins des exemplaires de deux autres instructions dressées par un médecin fort expérimenté, par ordre du gouvernement. Je vous prie de les faire parvenir au ministère d’Espagne pour le mettre en état des réflexions que l’expérience a fait faire sur la nature et les effets de ce fléau, et de prendre de concert des précautions contre sa propagation également funeste à tous les États[15].

24. Lettre au comte de Périgord.

(Mesures de défense).

21 mars.

(La lettre renferme l’approbation de mesures prises.)

P. S. — Je vous avoue que le prolongement de la ligne (de défense) jusqu’à Brive me paraît fondée sur de faux bruits que la maladie s’était étendue en Périgord. Il résulte un mal de cette prolongation de ligne, c’est que Limoges est totalement dépourvu de troupes. Cependant, il serait avantageux qu’il y en eut : 1° parce qu’il faut en avoir pour en envoyer au besoin si la maladie se montrait quelque part 2° parce que le grain étant assez cher en Limousin, il serait possible qu’il y eut quelques mouvements qu’on parviendrait à apaiser pour peu qu’il y eut de troupes.

25. Lettre au baron de Cadignan le remerciant de son zèle.

24 mai.

Je viens d’être instruit, M., par M. l’Archevêque de Toulouse, du détail touchant qui lui a été adressé du succès de vos soins. Je ne puis vous dire combien j’en ai été pénétré et je ne manquerai sûrement pas de le mettre sous les yeux du Roi. Je serai très heureux de pouvoir lui faire connaître ce que doivent ses provinces aux soins et à l’intelligence que vous avez marqués, dans des conjonctures aussi délicates. J’apprends que, non seulement votre zèle vous a porté à ne négliger aucun des moyens qui étaient en votre pouvoir pour terminer cette importante opération, mais que vous avez même suppléé de votre bourse à la modicité des secours accordés par le gouvernement. Il n’est pas juste que votre empressement à exécuter les intentions bienfaisantes du Roi puisse être onéreux à votre fortune. Je vous prie de vouloir bien me faire connaître le montant des sommes que vous avez employées si généreusement, afin que je vous les fasse rembourser par le Roi le plus promptement qu’il sera possible. Je voudrais fort être à portée de vous marquer mes sentiments pour vous et joindre les preuves de la satisfaction du Roi à la reconnaissance des peuples que vous avez si utilement secourus, dont je vois que vous jouissiez déjà…

26. Lettre à l’Intendant d’Auch (Journet).

(Secours à donner et mesures à prendre pour le repeuplement du bétail. — Économies à réaliser. — Moyens de se procurer des ressources.)

24 mai.

J’ai lu, M., avec beaucoup d’attention la lettre que vous m’avez écrite le 24 avril 1775 et le détail affligeant qui y était joint des pertes de bestiaux éprouvées par les différentes subdélégations qui composent votre généralité. Le Roi, sous les yeux de qui j’ai mis ce détail, a été bien sensible à ces malheurs, et si S. M. eut pu, dans ces circonstances, ne consulter que son amour pour ses peuples, elle se serait portée à leur accorder les dédommagements les plus étendus.

Je pense, comme vous, que l’envoi d’attelages de chevaux dans cette malheureuse province ne serait pas un secours aussi avantageux qu’on aurait pu le penser tout d’abord. L’usage et la nature du sol résistent également à cette espèce de culture, et il est vraisemblable qu’il serait très onéreux pour le Roi sans être fort utile pour les peuples.

À l’égard de la remise des impositions, ce soulagement, en tombant également sur tous les contribuables, serait peu proportionné aux pertes de chacun, et serait plus avantageux aux riches qu’aux pauvres, dont le Roi a le soulagement particulièrement à cœur. Le parti que vous vous proposez serait beaucoup plus utile, mais la somme me paraît si considérable que, malgré l’intention que je connais au Roi de venir au secours de cette province, et le désir que j’ai d’exécuter ses vues bienfaisantes, il ne me paraît pas possible qu’il puisse détourner de son Trésor Royal une somme aussi considérable en une seule année. Il faut donc faire tous ses efforts, d’une part, pour diminuer autant qu’il sera possible la masse du dédommagement et, de l’autre, pour trouver des facilités pour subvenir à cette dépense. Je ne puis attendre que de vous les éclaircissements nécessaires pour remplir ces deux objets.

Il m’a paru, par l’inspection des états que vous m’avez envoyés, que la perte était tombée très inégalement sur les différentes subdélégations et encore plus sur les différentes paroisses de chacune, de manière que plusieurs paroisses ont fait des pertes très considérables pendant que plusieurs autres ont éprouvé à peine la perte de quelques animaux ; soit que, dans ces dernières paroisses, la maladie se soit déclarée plus tard, soit qu’il y eut un beaucoup moins grand nombre de bestiaux. Il ne me paraît pas douteux que cette même inégalité n’ait lieu entre les différents propriétaires de chaque paroisse, et c’est ce que vous pouvez voir plus aisément, par les détails qui vous en ont été mis sous les yeux, si ces pertes légères tombent sur des propriétaires qui soient en état de les supporter…

J’ai fait encore une autre réflexion en lisant les états que vous m’avez envoyés. On ne doit pas perdre de vue que le but principal que le Roi doit se proposer par cette distribution est de faciliter la culture des terres, qu’il est à craindre qui ne soit négligée. Il paraît, dans cet esprit, que le repeuplement des bœufs est encore plus pressé que celui des vaches et des veaux. Je vois cependant qu’en total le nombre des vaches qui ont péri excède de beaucoup celui des bœufs, quoique leur valeur soit fort inférieure, et qu’il y a même des subdélégations et des paroisses où cette disproportion est encore bien plus frappante ; mais elle ne l’est nulle part autant que dans le pays de Soule, où il a| péri 522 bœufs et 660 vaches… On pourrait donc diminuer la portion du dédommagement à donner pour la perte des vaches et des veaux, pour en réserver une plus grande portion pour la -perte des bœufs d’attelage…

Après vous avoir ainsi expliqué les vues d’après lesquelles je vous prie de modérer la somme que vous croyez nécessaire, j’en viens au moyen de la procurer au Roi de la manière la moins onéreuse pour son Trésor Royal et pour ses peuples.

Les pays d’États composent une grande partie des pays affligés par cette maladie, tels que la Navarre, le Béarn, le Nébouzan, les quatre vallées, etc. Il faut qu’ils ouvrent un emprunt de sommes dont les intérêts et le remboursement soient affectés sur une partie de leurs impositions. Je proposerai au Roi de leur donner sur cela toutes les facilités possibles, soit en les y autorisant, soit en les soulageant de quelques-uns des autres engagements qu’ils ont vis-à-vis de S. M.

Il faut aussi suivre la même voie pour les pays d’élections, qui ne doivent pas être traités moins favorablement. On pourrait ouvrir un emprunt assigné sur une partie de leurs impositions, tant pour les intérêts que pour le remboursement du capital qui serait destiné à effectuer les dédommagements que vous croirez nécessaires d’accorder aux propriétaires de bestiaux qui auront péri de la maladie épizootique. Mais le Roi y pourvoiera, de son côté, en les soulageant d’ailleurs autant qu’il sera possible.

Je ne doute pas que ces secours donnés par le Roi ne soient encore augmentés par les charités de MM. les évêques, des curés, et des propriétaires riches. Je vous prie de les y engager autant que vous le pourrez.

Vous voudrez bien méditer sur toutes les vues que je vous présente dans cette lettre, et j’espère que vous me mettrez incessamment en état de rendre compte au Roi de cette importante affaire et de lui proposer un parti définitif[16].

27. Lettre à de Parazols.

(Au sujet d’un arrêt du Parlement de Toulouse défendant de tuer les veaux.)

23 juin.

J’ai reçu, M., la lettre par laquelle vous m’adressez un arrêt du Parlement de Toulouse portant permission de tuer les veaux jusqu’au mois d’octobre 1775. Je vous avoue que j’ai peine à concilier les principes contenus dans le préambule de cet arrêt sur la nécessité de ne pas donner atteinte à la liberté des propriétaires, avec l’espèce de restriction qui a lieu dans le dispositif. Ce moyen imaginé pour pourvoir au repeuplement des pays dévastés par la maladie me paraît insuffisant et onéreux pour le propriétaire qui fait presque toujours un meilleur marché d’acheter un bœuf tout fait que d’élever un veau jusqu’à ce qu’il soit devenu bœuf. D’ailleurs, il me semble qu’on ne peut rien faire de mieux que de s’en rapporter sur cela à l’intérêt du propriétaire lui-même qui est plus éclairé que personne sur ce qui le regarde. Je vous prie de faire ces réflexions à MM. du Parlement et de les engager à rendre, en conséquence, un arrêt pour rendre la liberté entière[17].

28. Circulaire aux Intendants au sujet des épidémies en général.

[Foncin, 600. — Neymarck, II, 414]

22 août.

La maladie épidémique qui a régné, M., et qui règne encore en France sur le gros bétail mérite la plus grande attention. On est sur le point de rassembler dans un ouvrage ce que l’observation a présenté de plus intéressant à cet égard. Il serait très avantageux de comparer cette épizootie avec les maladies populaires qui ont attaqué les hommes dans le même temps. C’est ainsi que l’on pourrait avoir ce que les médecins appellent : Constitution de l’année. Pour remplir ces vues, il faudrait que les médecins des villes principales de la France et même des campagnes où règnent le plus communément les épizooties, voulussent bien m’adresser leurs mémoires. Mon dessein est qu’on les rassemble en un corps complet d’ouvrage. Je ne doute point que votre zèle et votre amour pour le bien public ne vous y fassent contribuer autant qu’il est en vous. Je vous prie donc de faire aux médecins les plus instruits de votre généralité, les questions contenues dans la note que je vous envoie et de les presser sur la réponse qu’ils doivent envoyer.

29. Lettre à l’Intendant d’Auch (Journet) au sujet de la circulation frauduleuse de bestiaux malades.

7 septembre.

(Voir le n° 19 ci-dessus.)

30. Lettre à Le Begue de Presle, relativement à un ouvrage sur l’épizootie.

[A. N., F12 151. — Foncin, 600.]

12 septembre.

Je ne vois pas, M., un grand inconvénient à permettre l’impression de l’ouvrage dont vous me parlez, puisqu’il est sagement écrit et exempt de toute personnalité contre les artistes que le gouvernement a chargés de faire des expériences. Cependant, si cet ouvrage contient de bonnes réflexions dont on puisse faire usage, l’auteur me ferait plaisir de me communiquer son manuscrit ; le gouvernement a pris les mesures qui lui ont paru les plus propres à arrêter ce terrible fléau ; mais il ne veut que savoir la vérité[18].

31. Sur des propos séditieux relatifs aux mesures de défense.

Lettre à Bertin.

[Foncin, 601.]

29 septembre.

… M. Journet m’a mandé qu’ayant pris des informations au sujet (des propos séditieux), il a appris qu’effectivement, il y a plusieurs particuliers qui tiennent des propos, et que de ce nombre il en était deux, l’un nommé l’abbé Ayral et l’autre Beral, avocat, résidant à Auvillars, qui avaient soulevé partie des habitants et troublé les délibérations. Il m’a observé qu’il n’était sorte d’excès auxquels ils ne se fussent portés et que l’indécence de leurs discours contre l’administration méritait qu’on fit un exemple en les exilant l’un à Sos et l’autre à Saint-Béat. J’en ai encore écrit depuis à M. de Clugny, le 4 décembre, qui a communiqué ma lettre à M. le Comte de Fumel ; je l’ai assuré, qu’effectivement les deux particuliers se sont livrés avec fureur aux propos les plus indécents et les plus propres à empêcher le succès des mesures prises par le Gouvernement et qu’ils méritent d’être punis, quoique ce ne soit pas sans peine que je me porte à vous prier de rendre compte au Roi de ces circonstances et de prendre ses ordres pour la punition que méritent ces deux particuliers. Cependant, il paraît important d’en faire un exemple. Si vous le pensez de même, je vous prie de vouloir bien envoyer à M. de Clugny les ordres du Roi pour exiler ces deux particuliers, l’un à Sos et l’autre à Saint-Béat.

32. Lettre à l’Intendant d’Auch (Journet) sur un prêt à un négociant en bestiaux.

23 octobre.

J’ai reçu, M., la lettre que vous m’avez écrite le 9 de ce mois par laquelle vous me proposez de faire au Sr De La Roche un prêt de 10 000 l. pour acheter des chevaux et des mulets. Je suis fort fâché que les dépenses immenses que cette malheureuse maladie a exigées du Roi ne permettent pas à S. M. de prendre cette somme dans ses coffres. Mais si vous pensez, en effet, que les propositions de ce négociant puissent être aussi avantageuses à la province, je crois que vous pourriez lui procurer les facilités qu’il désire. Je ne puis, sur cela, que m’en rapporter aux moyens que votre zèle vous suggérera.

33. Lettre à l’Intendant d’Auch (Journet) au sujet des dépenses d’un Commandant des troupes de défense.

27 octobre.

M. le marquis de Faudoas me mande, M., que M. le maréchal de Mouchy l’a chargé de reprendre ses fonctions qu’il avait quittées lorsqu’on a donné le commandement général des troupes à M. le baron de Cadignan. Il m’observe qu’il a sacrifié son peu de fortune à soulager des malheureux, que les dépenses qu’il est obligé de faire en sa qualité de Commandant l’ont tellement obéré qu’il a consommé tous ses appointements de 1775 et qu’il a affecté ceux de 1776 aux personnes qui lui ont prêté. Il m’ajoute qu’avec les 100 louis que vous lui avez fait compter au mois de juin dernier, il a remboursé 2 000 l. à M. de Boulongue à qui il doit encore 1 000 livres. Et, comme il a besoin de secours pour pouvoir continuer les opérations dont il est actuellement chargé, il demande qu’on lui fasse payer actuellement une somme de 6 000 livres. Je vous prie de vouloir bien faire vérifier les faits et de me marquer ce que vous pensez de cette demande[19].

34. Arrêt du Conseil remettant exclusivement aux Commandants de troupes et aux Intendants l’exécution des mesures de défense.

(Interdiction aux Parlements de s’en mêler.)

1er novembre.

Sur le compte qui a été rendu au Roi, étant en son Conseil, des ravages que la maladie épizootique continue de faire dans les provinces méridionales, et des progrès qu’elle a même eus par la négligence des propriétaires de bestiaux à se conformer aux précautions ordonnées, S. M. a jugé à propos de prendre de nouvelles mesures pour prévenir les suites funestes de cette négligence et préserver ces provinces et tout son royaume des malheurs que cette contagion peut y occasionner. Rien ne lui a paru plus pressant que de faire connaître ses intentions sur l’autorité qui doit procéder à l’exécution de ses ordres ; et comme les circonstances présentes sont hors de l’ordre commun, comme S. M. espère que les mesures qu’elle prend les feront cesser dans peu de temps, elle a pensé qu’elle devait, tant que ces circonstances subsisteront, confier exclusivement l’exécution de ces mesures aux Commandants et officiers de ses troupes, et aux Intendants et commissaires départis dans ses provinces. Quels que soient le zèle et l’activité, tant de ses Cours de Parlement que de ses juges ordinaires, pour le bien de ses sujets, S. M. a cru que le concours de plusieurs autorités sur un même objet pourrait porter du trouble et de la confusion dans le service, et offrir un prétexte à ceux qui voudraient se soustraire à ses ordres ; S. M. a aussi jugé à propos de faire connaître de nouveau ses intentions sur l’exécution des arrêts de son Conseil précédemment rendus, et de prescrire d’une manière précise les précautions qu’elle veut qui soient prises à l’avenir.

À quoi voulant pourvoir, le Roi ordonne…

Art. Ier. Les Commandants en chef chargés des ordres du Roi pour l’extinction de l’épizootie, et les Intendants et commissaires départis dans les provinces, ou ceux qui en seront chargés par eux, donneront seuls les ordres relatifs à cette opération importante ; veut, en conséquence, S. M., que, sans s’arrêter aux dispositions de l’arrêt de sa Cour de Parlement de Toulouse, du 27 septembre dernier, ni à tous autres pareils qui auraient été rendus ou pourraient l’être à l’avenir, les officiers municipaux ou syndics de paroisses ne puissent assembler leurs communautés autrement que par les ordres desdits Commandants en chef ou Intendants. Leur fait pareillement S. M. très expresses inhibitions et défenses de reconnaître pour ledit service aucune autre autorité…

S. M. attribue toute Cour et juridiction en dernier ressort, aux Intendants et commissaires départis, pour prononcer les amendes qui seront encourues.

35. Lettre à Vicq d’Azir pour lui adresser des remerciements.

[A. N., F12 151. — Foncin, 602.]

1er novembre.

Je ne puis, M., que vous marquer toute ma satisfaction du compte que vous me rendez de l’objet de votre mission[20] ; je suis très aise que vous ayez été content de M. le baron de Cadignan ; je n’en doutais pas sachant l’intelligence et l’activité qu’il a mis jusqu’ici dans le service dont il a été chargé. Vos observations me paraissent si essentielles que, malgré le désir que je vous connais de revenir dans ce pays-ci, je crois très important que vous demeuriez à Toulouse jusqu’à ce qu’on ait commencé à exécuter les nouvelles instructions que le Roi se propose d’envoyer. Je crois utile que vous retourniez aussi à Bordeaux ; vous ferez le sacrifice de vos cours, j’en sens tout le prix, mais vous êtes trop bon citoyen pour vous y refuser ; je n’ai pas besoin de vous dire que le Roi vous dédommagera amplement et, quant à votre réputation, le succès des opérations dont vous êtes chargé par le gouvernement ne peut que l’augmenter.

36. Lettre au baron de Cadignan au sujet de l’insuffisance des mesures de défense dans la généralité d’Auch.

1er novembre.

C’est avec la peine la plus sensible, M., que j’apprends tout ce que vous me mandez de l’inexécution des ordres du Roi dans le pays dans lequel vous commandez et des suites terribles de cette inexécution. J’ai déjà appris, depuis quelque temps, tout le désordre qui règne dans ces opérations, et il n’est pas difficile de se faire une idée des dangers de ce désordre. J’en ai déjà écrit à M. Journet. C’est inutilement qu’on a fait coûter au Roi des sommes immenses pour payer le tiers des animaux assommés. Si on ne prend ce parti que pour ceux qui étaient prêts à périr des suites de la maladie, ce sacrifice devient inutile au bien de la chose, puisque ces animaux ont pu communiquer la maladie pendant tout le temps qu’on a perdu à les cacher et à essayer des remèdes inutiles, et le propriétaire reçoit très injustement le tiers du prix puisqu’il ne fait aucun sacrifice en consentant à la perte d’un animal prêt à expirer et qui n’a aucune valeur.

J’ai compris, dès le premier moment, combien il serait à désirer que les mesures à prendre contre un mal aussi étendu fussent dirigées d’après les mêmes vues et d’après un système uniforme. J’ai proposé plusieurs fois à M. le maréchal du Muy de nommer un Commandant en chef, mais il a toujours été arrêté par la considération des différents commandements qui partagent ces provinces. Je ne perds pas un moment pour proposer à M. le comte de Saint-Germain[21] d’examiner de nouveau, de concert avec M. le maréchal de Mouchy et M. le comte de Périgord le parti qu’exigent ou que permettent les circonstances. Je vous manderai le résultat de notre conférence sur cet objet.

Je suis aussi affligé que vous du retard qui a lieu pour le paiement du tiers des animaux sacrifies, mais les sommes sont si considérables que les receveurs généraux ont bien de la peine à pouvoir y satisfaire. J’ai cru voir, par les états que M. Journet m’a envoyés, qu’il y avait dans ces dépenses beaucoup de faux frais, qu’il aurait été à désirer d’épargner ; tels sont les salaires d’une quantité prodigieuse de trésoriers et préposés qu’il a établis et auxquels il faut faire des fonds d’avance.

Il m’a paru qu’il serait facile d’épargner cette dépense inutile en chargeant les subdélégués de donner des mandements sur les collecteurs qui auraient acquitté facilement ces dépenses sans frais et qui en auraient rapporté les quittances pour comptant ; cette méthode est bien plus expéditive, bien plus économique et moins sujette à abus. Mais ce qui m’a effrayé, c’est l’abus énorme de faire payer ce tiers à des propriétaires qui, bien loin de le mériter, seraient dans le cas d’être punis par une amende pour n’avoir pas fait leurs déclarations de la maladie de leurs bestiaux dans le temps qui leur est indiqué.

J’étais bien persuadé de l’inutilité des méthodes curatives qui ont été employées. Ce que vous me mandez me le démontre. Il est donc bien important de ne plus s’amuser de toutes ces illusions et d’en revenir à l’exécution rigoureuse des arrêts du Conseil, du moins dans les parties limitrophes du pays infecté et d’où il est à craindre que la contagion ne s’étende dans les parties saines.

Je vois avec déplaisir la nécessité que vous m’annoncez d’évacuer une partie considérable du terrain que vous occupiez avec le petit nombre de troupes que vous êtes obligé de faire replier. Je ne doute pas que le mal ne s’y augmente considérablement. Je demande, en conséquence, à M. le comte de Saint-Germain de faire passer de nouvelles troupes à vos ordres.

Quant à ce que vous me mandez sur l’inexécution des punitions, elles sont ordonnées par des arrêts du Conseil dont l’exécution est confiée aux Intendants. Cette justice peut être aussi prompte et plus prompte que la justice prévôtale. Je ne conçois pas qu’elle éprouve la lenteur dont vous me parlez.

Je ne manquerai pas de nommer à M. le comte de Saint-Germain les officiers dont vous faites mention dans votre lettre, et je le prierai de remettre leurs noms sous les yeux du Roi pour leur obtenir les marques de satisfaction de S. M. sur le témoignage honorable que vous donnez de leurs services[22].

37. Lettre au comte de Fumel au sujet de nouvelles mesures de défense.

5 novembre.

M. le maréchal de Mouchy vous informera sans doute qu’il s’est trouvé chez moi à une conférence avec M. le comte de Périgord, en présence de M. le comte de Saint-Germain, dans laquelle on a rendu compte de l’état où sont aujourd’hui les provinces attaquées par l’épizootie ; on a généralement approuvé le moyen qui a été proposé par vous et par M. de Clugny, de faire refluer sur la rive gauche de la Garonne tous les bestiaux des paroisses qui auraient été attaqués, de manière à repousser de nouveau cette maladie de l’autre côté de cette rivière, et de former un vide entre elle et la ligne que vous ferez établir pour couvrir l’Agénois, le Périgord et le Quercy.

Nous avons aussi tous pensé que la négligence avec laquelle on avait exécuté les ordres du Roi pour le sacrifice des bestiaux malades rendait ce sacrifice inutile et n’avait d’autre effet que de coûter au Roi des sommes très considérables sans aucun fruit pour les provinces. On a pensé, en conséquence, qu’il suffisait de faire assommer les animaux qui tomberaient malades sur les limites des parties infectées et d’abandonner quant à présent l’intérieur, jusqu’à ce qu’en exécution de la première instruction qui vous a été envoyée, on puisse reculer ces limites. Mais il a paru nécessaire de prendre de nouvelles mesures pour être sûr que cette opération serait faite de manière à pouvoir être utile à la province, et qu’elle ne fût pas, comme elle a été jusqu’à présent, bornée aux animaux prêts à périr de la maladie. En conséquence, il a été rendu un Arrêt du Conseil qui fixe les cas dans lesquels le tiers du prix des animaux assommés serait payé, et qui attribue à MM. les Intendants la connaissance des contraventions. S. M. a rendu aussi une ordonnance qui sera adressée par M. Bertin, et qui doit être exécutée par les troupes. Je ne doute pas que M. le comte de Saint-Germain ne fasse passer en Guyenne le nombre de troupes qui sera nécessaire pour exécuter les intentions du Roi qui seront expliquées dans une nouvelle instruction qui vous sera adressée ainsi qu’à M. le maréchal de Mouchy.

Je crois qu’il sera nécessaire aussi de prendre des précautions pour garantir les pays intacts qui se trouvent dans l’intérieur de votre commandement, ce qui pourra se faire au moyen de cordons de troupes intérieures et formant au devant de ces cordons un vide en faisant refluer les bestiaux dans l’intérieur[23].

38. Lettre à l’Intendant de Bordeaux (de Clugny) sur les opérations à faire pendant l’hiver.

21 novembre.

Les opérations qui se feront cet hiver dans votre généralité auront surtout pour but de désinfecter complètement, de garantir l’Agénois et de maintenir la maladie sur la rive gauche de la Garonne, de façon à ne pas craindre qu’elle franchisse une seconde fois cette barrière. Le seul moyen que l’on puisse employer avec certitude pour cet effet est de faire refluer toutes les bêtes à cornes qui sont renfermées sur cette rive à une grande lieue de distance vers l’intérieur des pays dévastés. Vous ferez chercher de gré à gré des particuliers qui veulent bien les acheter.

On ne payera plus le tiers dans les pays qui seront au delà du vide qui aura été ainsi formé le long de la Garonne et l’on n’y fera plus assommer les bestiaux. S. M. veut bien en tolérer le traitement pendant cet hiver, et jusqu’à ce qu’elle fasse connaître ses intentions ultérieures. Il serait bon que, pour suivre ce traitement avec plus de succès, il y eut un certain nombre d’élèves de l’École vétérinaire dans la partie de votre généralité où l’on fera ses efforts pour guérir[24].

39. Circulaire aux Intendants et Commandants de troupes.

(Nouvelle instruction.)

28 novembre.

Je vous envoie, M., des exemplaires de l’instruction dressée par les ordres du Roi pour prescrire toutes les opérations à faire et les précautions à prendre dans votre généralité contre les progrès de l’épizootie. On ne peut prendre des mesures trop sûres contre les contraventions que l’ignorance ou l’intérêt pourraient faire commettre par les habitants des provinces infectées. Je pense même qu’il est nécessaire de contenir, par la crainte des punitions, ceux à qui d’autres motifs ne suffiraient pas. Je compte proposer au Roi de faire rendre un arrêt de son Conseil qui prononce des peines exemplaires et même afflictives contre ceux qui feraient passer des bestiaux suspects dans les pays sains ou qui se permettraient, malgré les défenses, de laisser les bêtes saines avec les malades[25].

40. Atelier de salaisons de Grenade.

Lettre à Sartine.

4 décembre.

Le Roi ayant, M., jugé nécessaire pour arrêter les progrès de l’épizootie qui règne dans les provinces méridionales, de dépeupler absolument de bestiaux sur la rive droite de la Garonne un espace d’une largeur suffisante… il a été proposé, pour tirer quelque parti des animaux condamnés, d’établir à Grenade un atelier de salaisons, sous la direction de M. Chaumont, munitionnaire des vivres de la Marine. Mais comme il est important de n’admettre dans cet atelier aucun animal suspect de maladie, afin d’assurer la salubrité des salaisons qui seront faites, l’intention du Roi est que l’état de tous les animaux qui seront conduits et tués à Grenade soit constaté par des procès-verbaux faits en présence d’un commissaire de la Marine, d’un subdélégué de l’Intendance, d’un médecin et d’un artiste de l’École vétérinaire.

41. Lettre à l’Intendant de Soissons (Le Peletier.)

(Au sujet de l’état de sa généralité.)

17 décembre.

L’état de votre généralité me paraît, M., on ne saurait plus inquiétant. Les ravages que l’épizootie a faits et fait encore dans les provinces méridionales prouvent assez tout le danger qu’il y a dans la négligence des moyens propres à étouffer ce fléau dès sa naissance. Cet exemple funeste doit vous engager à prendre les mesures les plus exactes dans votre généralité pour empêcher ses progrès et le détruire entièrement. Il est nécessaire, pour y parvenir, de faire des recherches sur les endroits où la maladie a pénétré pendant les précédentes années et d’y faire pratiquer une désinfection complète suivant les instructions que je vous ai envoyées.

Pour ce qui est des pays actuellement attaqués par l’épizootie, sans doute, il faut les investir avec des cordons et empêcher tout commerce entre eux et les pays sains. Mais ces précautions ne sont pas les seules à prendre.

Heureusement, vos paysans ne sont pas aussi grossiers et aussi difficiles à conduire que ceux de la Guyenne et de la Gascogne, et il vous sera facile de les persuader de l’importance des moyens à employer.

Vous commencerez par faire faire le dénombrement exact, non seulement des bestiaux des pays infectés, mais encore de ceux des environs. Un préposé dans chaque canton en fera la visite tous les jours pour empêcher toute nouvelle introduction d’une part, et toute sortie, de l’autre. Les foires et marchés de bœufs seront défendus dans les lieux voisins de ceux où la contagion a pénétré plus loin ; même il ne sera permis de vendre que les bestiaux dont un certificat annoncera la bonne santé, le bon état des lieux d’où ils partent et leur séjour depuis six semaines au moins dans ces mêmes endroits. Cette précaution est indispensable pour éloigner toute fraude. Les bestiaux seront renfermés dans leurs étables et n’en sortiront point sans une permission expresse ou pour un besoin pressant, dans toute l’étendue du pays infecté. Au reste, les préposés auront soin que les bœufs soient déclarés, tués, et enterrés dès les premiers symptômes, sans quoi le particulier sera puni et surtout privé du paiement du tiers.

Un soin bien essentiel à prendre est celui de la désinfection des étables. Elle sera faite avec la plus grande exactitude. Il serait aussi très à propos de faire ouvrir quelques-uns des bœufs morts et de m’envoyer les détails. Un chirurgien instruit peut remplir ces vues et nous donner les renseignements nécessaires. Ces moyens ont réussi ailleurs et j’espère que vous les mettrez en usage[26].

42. Lettre à l’Intendant de Bordeaux (de Clugny.)

(Au sujet des mesures de défense et des primes à l’importation des chevaux et mulets.)

Première lettre.

27 décembre.

Je suis aussi effrayé que vous de l’énormité de la dépense que présenterait le parti de former un vide dans l’Agenois, sur la rive droite de la Garonne. On ne doit se porter à ce parti rigoureux qu’à la dernière extrémité. Je conçois tout le danger des progrès de ce fléau dans l’Agenois, mais ne pourrait-on pas se garantir en coupant les communications et en faisant entourer les paroisses attaquées ?

Je ne puis que vous demander sur cela votre avis et m’en rapporter à vos lumières.

P.-S. — On avait déjà une fois repoussé la maladie au delà de la Garonne quoiqu’elle se fut avancée jusqu’à Pons-en-Saintonge et à Guignets près de Périgueux. Je crois qu’on réussira une seconde fois par les mêmes moyens ; le parti du vide a paru nécessaire du côté du Languedoc à cause de la proximité de la Montagne noire où la nature du pays permet difficilement de former des cordons. On a tout sacrifié pour sauver ce point d’où dépend le salut du Royaume, mais en Agenois il paraît plus aisé d’entourer et de désinfecter les paroisses où la maladie se montrerait.

Deuxième lettre.

29 décembre.

Je vois, M., par la lettre que vous m’avez écrite le 16 de ce mois qu’il résulte du commerce des chevaux et mulets un abus considérable, en ce qu’après les avoir fait conduire dans les pays qui ont été ravagés et reçu la prime de la gratification accordée, on les fait ensuite passer en Espagne par les ports des Pyrénées et vous proposez d’en défendre le passage. Je ne puis m’empêcher de vous dire que je trouverais beaucoup d’inconvénients à empêcher la sortie des chevaux et mulets. Ce serait donner une atteinte aux principes de la liberté.

Il est certain que si on a un grand désir de ces chevaux et mulets dans le pays dévasté de bœufs, le prix doit les y retenir naturellement. Au surplus, s’il subsiste un abus sur le paiement de la gratification pour ces chevaux et mulets, il serait question d’y obvier. C’est à quoi je vous prie de vouloir bien faire veiller et voir les moyens que l’on pourrait prendre pour empêcher tous ces abus.

43. Lettres à l’intendant d’Auch et Bayonne (Journet.)

(Au sujet des retards apportés au paiement des indemnités.)

Première lettre.

4 avril.

Je suis informé qu’au 1er du mois de mars, on n’avait pas encore payé un sol du tiers de la valeur des bestiaux massacrés aux habitants de plusieurs paroisses de votre généralité, notamment du bas Armagnac. On m’observe à ce sujet que les paysans, qui s’étaient d’abord soumis aux ordres donnés pour ce massacre, refusent aujourd’hui de sacrifier leurs bestiaux, dans la crainte que ce tiers ne leur soit pas payé, et que cette crainte a engagé les habitants des différentes paroisses où la maladie s’est nouvellement introduite à faire déloger leurs bestiaux, et à les conduire dans celles qui, dès le commencement de la maladie, ont tout perdu, ce qui ne peut que renouveler et entretenir ce fléau. Je vous avoue que je suis on ne peut plus surpris d’une pareille négligence de la part de ceux que vous avez à cet égard chargés de l’exécution de vos ordres. Il serait fort inutile de prendre dans une partie de votre généralité toutes les mesures capables de détruire cette maladie, si l’on souffre dans une autre tout ce qui peut contribuer à la renouveler et l’entretenir. Je vous prie, au reçu de ma lettre, de faire vérifier les faits, de vous faire informer qui sont ceux des habitants des paroisses du Bas-Armagnac dont on a fait tuer les bestiaux et qui n’ont pas été dédommagés du tiers de la valeur et de donner très promptement les ordres nécessaires pour qu’ils en soient payés, conformément aux intentions du Conseil…

P.-S. — Je vous avais marqué expressément de tout faire payer comptant et de donner aussi vos ordres pour que rien ne manquât de ce qui est nécessaire pour la désinfection des paroisses. J’ai été informé aussi que l’on avait dans plusieurs endroits été obligé d’abandonner l’opération faute de moyens. Je ne puis assez vous témoigner ma surprise et mon mécontentement d’un pareil manque d’activité.

Deuxième lettre.

14 avril.

… Je viens de recevoir le mémoire que je joins ici, par lequel le syndic des États des quatre vallées d’Aure, Magnone, Nestos et Barousse réclame le payement de ce tiers pour les habitants de ces lieux et demande aussi pour eux l’exemption du tirage à la milice. Je vous prie de vous informer si ces habitants sont fondés à solliciter le dédommagement de ce tiers et, dans ce cas, de donner promptement les ordres nécessaires pour qu’ils soient payés.

Troisième lettre.

4 juillet.

J’ai relu avec beaucoup d’attention vos lettres sur la malheureuse situation dans laquelle se trouve votre généralité par la perte de ses bestiaux. Plus je réfléchis à cette position, moins je puis me prêter à la proposition que vous faites de donner, de la part du Roi, à chaque propriétaire indistinctement des secours en proportion de leurs pertes. Le malheur que ces propriétaires ont éprouvé n’est point le fait du Roi ; c’est un événement qui ne pouvait être ni prévu, ni prévenu, qui ne peut être comparé qu’à une perte de récolte occasionnée par l’intempérie des saisons, et qui ne donne droit qu’à un soulagement sur les impositions. Mais le payement en argent d’une partie de la valeur des bestiaux est un secours que l’humanité du Roi le porte à accorder à ceux qui ne sont pas en état de supporter cette perte et qui ne doit, en conséquence, être accordé qu’aux pauvres. Il n’en est pas de même lorsque le Roi pour le salut de la province ordonne le sacrifice des animaux malades ; comme les propriétaires de ces animaux pouvaient conserver une espérance de les guérir, le Roi en leur faisant perdre cette espérance leur devait un véritable dédommagement qui a été fixé le plus favorablement pour les propriétaires. Mais la même règle ne peut avoir lieu lorsqu’il s’agit de distribuer des secours qui sont de véritables aumônes et auxquels ne peuvent avoir droit ceux qui, par leurs facultés, se trouvent en état de réparer leurs pertes. Je vous prie donc de vous en occuper entièrement dans cette vue. Par cette restriction, le secours demandé sera considérablement diminué, et vous serez en état de donner aux pauvres des secours plus utiles et plus réels.

Quant aux moyens d’y pourvoir, j’avais exposé qu’il serait possible de faire faire des emprunts par les pays d’États, et je ne puis encore me persuader, comme vous, que ce moyen ne puisse avoir lieu. Je proposerai volontiers au Roi d’accorder sur les impositions de ces provinces des soulagements qui les mettent en état de pourvoir aux arrérages et aux remboursements successifs. Si les délégués des États qui sont chargés de la suite des affaires, ne sont pas suffisamment autorisés pour cela, il faudra convoquer promptement les États, ce qui ne peut prendre bien du temps ; et l’objet est assez intéressant pour convoquer une assemblée extraordinaire. Quant aux pays d’élections, je ferai mon possible pour y faire pourvoir du Trésor Royal, mais je vous répète qu’il ne s’agit pas d’un dédommagement rigoureux qui n’est pas dû par le Roi et que tous les propriétaires n’ont pas dû attendre, mais simplement d’un secours en argent à distribuer aux pauvres. Je vous prie de faire faire dans cet esprit de nouveaux états et de me les adresser le plus promptement que vous pourrez.

P.-S. — Il me semble qu’il existe un moyen facile et assez sûr de juger des moyens des différents propriétaires, d’après le montant des cotes d’impositions que chacun supporte comparé à la quantité d’animaux perdus. Un propriétaire du revenu de 50 livres doit recevoir plus pour une tête de bétail qu’un propriétaire de 100 livres de revenu. Et, entre deux propriétaires d’un même revenu, celui qui a perdu deux têtes de bétail doit recevoir plus du double de celui qui n’en a perdu qu’une. Bien entendu qu’il faut avoir égard aussi à l’âge du bétail. La perte d’un veau ne doit pas être évaluée comme celle d’un bœuf. Il est aisé, d’après ces principes, de former des tarifs pour les différentes classes, en excluant absolument les classes des riches qui seront réduites à des diminutions sur les impositions. Il sera facile aussi d’appliquer ces tarifs, d’après les rôles des impositions et les états que vous vous êtes procuré des pertes de chaque particulier.

Quatrième lettre.

30 septembre.

Il me revient, M., journellement des plaintes de ce que les propriétaires des animaux assommés ne sont pas régulièrement payés de ce qui peut leur être dû. Vous devez sentir combien ce retard peut nuire à la continuation des opérations dont vous êtes chargé et à la destruction de cette funeste maladie. Je sais que vous vous plaignez de ce que le commis à la recette générale n’exécute pas sur cela vos ordres. J’en ai fait des reproches au receveur général. Mais je ne trouve pas que cette raison puisse vous arrêter. En vous donnant des mouvements, vous trouverez aisément à emprunter dans le pays les sommes nécessaires, surtout étant sûr de la rentrée la plus prompte.

Lorsque vous m’écrivez pour vous plaindre du receveur général, la réponse ne peut vous arriver que 15 jours après, et c’est un temps précieux qui se trouve perdu. Le public se plaint et les propriétaires de bestiaux prennent de la défiance contre les opérations du gouvernement. Je vous prie donc de prendre les arrangements qui vous paraîtront les plus convenables pour que cela n’arrive plus.

Cinquième lettre.

6 octobre.

En examinant les dépenses qui se font pour la maladie des bestiaux dans les provinces méridionales, je me suis aperçu que les frais mentionnés dans vos ordonnances excédaient de beaucoup ceux qui ont lieu dans les généralités voisines et que la plupart des fortes sommes qui sont énoncées dans les états que vous m’avez envoyés jusqu’à présent, et dont j’ai fait faire un relevé montant à 415 900 l. avaient été remises à des trésoriers préposés et autres, sans aucune désignation des objets auxquels elles avaient été employées. Je n’ai pas perdu de vue ce que vous m’avez marqué par votre lettre du 15 avril dernier dans laquelle vous êtes entré en détail avec moi et vous m’avez annoncé que vous établissiez des préposés pour juger le montant des sommes dues aux propriétaires des bestiaux sacrifiés et des autres dépenses de l’épizootie. Mais, je n’avais pas pu croire que ces dépenses accessoires pussent jamais approcher de celles qui sont destinées à la même chose. Je vois cependant qu’elles forment aujourd’hui près de la moitié de la dépense totale. M. Esmangard, dans la généralité voisine de la vôtre, n’a fait, au contraire aucune de ces dépenses accessoires. Il a donné des mandats sur les collecteurs des lieux qui les remettaient, avec la quittance pour comptant, à la recette des tailles. Cette méthode est infiniment plus économique et tout aussi expéditive que celle que vous employez. Je vois, au contraire, que souvent la difficulté de faire passer de l’argent à ces préposés et trésoriers vous a mis dans le cas de faire attendre les payements et d’exciter par là des murmures qui ont beaucoup nui à l’exécution des ordres du Conseil. Je ne puis me dispenser d’exiger de vous à l’avenir une économie beaucoup plus sévère. Les dépenses que le Roi est obligé de faire pour cette maladie sont déjà si excessives qu’on ne peut prendre trop de mesures pour les diminuer, et il est du devoir de tout administrateur de faire tous ses efforts pour que cette dépense soit employée en entier au soulagement des peuples, et qu’elle ne serve jamais à enrichir des personnes que le malheur des circonstances force d’employer. Les sommes que vous avez fait distribuer à ces employés sont si exorbitantes que je ne conçois pas que vous ne m’en ayez pas envoyé le détail. Je vous prie de me le faire parvenir le plus tôt qu’il vous sera possible, et de prendre pour l’avenir d’autres mesures…

On m’assure que vous payez dix livres par jour aux payeurs que vous avez établis à la suite des troupes. Ce traitement me paraît si peu proportionné avec les fonctions de ces préposés que je suis persuadé qu’il y a de l’exagération dans ce qui m’a été dit.

P.-S. — Je vous prie de me répondre courrier par courrier[27].

Sixième lettre.

10 novembre.

Vous avez dû recevoir une nouvelle lettre de moi du 21 octobre par laquelle je vous fait connaître ma façon de penser sur l’exorbitance des dépenses destinées à détruire la maladie épizootique… Soyez bien persuadé que personne n’a cherché à attaquer votre conduite. Les lettres que je vous ai écrites sont uniquement fondées sur l’examen que j’ai fait des comptes que vous avez envoyés et sur la connaissance que j’aie eue de l’abus dont je viens de vous parler.

J’ai vu le compte que vous m’envoyez d’un de vos préposés pour expliquer l’usage fait des sommes qui leur sont remises. Je vous avoue que ce compte ne m’a pas donné sur cette matière les éclaircissements que j’aurais désirés, chacun des articles de ce compte n’expliquant la dépense que par l’énonciation d’un procès-verbal dont on ne voit pas l’usage, à l’exception des derniers articles dont l’objet est la désinfection des étables, les salaires des experts, des maréchaux et autres. J’ai jugé cependant que ces sommes avaient été employées au payement du tiers des animaux assommés. Mais je vous avoue que j’ai de la peine à concilier cette explication avec l’énonciation dans vos états du nombre d’animaux assommés et de leur estimation ; car si ces sommes sont seulement des avances faites aux trésoriers, et qu’ils vous envoient le détail des animaux sacrifiés et de leur estimation, pour être inséré dans le compte suivant, le montant de ces avances aurait dû en être défalqué, sans quoi il y aurait manifestement un double emploi. Je vous prie de me donner l’explication de cette obscurité, et de me mander par quelle raison après être entré dans le détail du nombre de ces animaux, vous énoncez ensuite des sommes données aux trésoriers et préposés sans aucune désignation.

Je crois que vous ne pouvez prendre trop de précautions pour éviter tous ces détours par lesquels vous faites passer l’argent inutilement, et je ne puis que vous exhorter à supprimer les intermédiaires le plus qu’il vous sera possible. Je crois que la méthode usitée par M. Esmangard, dont je vous ai parlé dans mes précédentes lettres est bien plus économique et peut-être tout aussi active. Je vous prie de vous concerter sur cela avec MM. les Commandants qui connaissent celle usitée par cet intendant et qui ne se sont jamais plaints de sa lenteur.

Vous ne pouvez donner à ce que je vous mande une trop grande attention.

Septième lettre.

7 décembre.

Je vois, M., par votre lettre du 28 novembre que vous renoncez au projet de venir passer quelque temps à Paris pour vos affaires personnelles et qu’ainsi vous n’êtes point dans l’intention de profiter du congé que je vous avais adressé sur votre demande.

En donnant à votre zèle les éloges qu’il mérite, je ne dois pas vous dissimuler qu’il contrarie les arrangements que j’avais cru devoir proposer au Roi pendant votre absence et que S. M. avait adoptés comme utiles au bien de son service.

Vous avez vu, M., par ma correspondance, l’impression qu’avaient faite sur moi les sommes immenses dépensées dans votre généralité à l’occasion de la maladie sur les bestiaux, comparées avec le peu de succès des mesures prises pour la combattre. Je rends toute justice à votre honnêteté et à votre amour du bien public. Je suis même très disposé à penser que vous n’avez épargné ni vos soins, ni vos peines, pour arrêter les progrès de ce fléau. Mais, dans une matière aussi importante où le salut de l’État est compromis, où le temps et les circonstances commandent, où les instructions ne sont d’aucun secours parce qu’elles arrivent toujours trop tard, où la plus légère faute entraîne un enchaînement de malheurs indéniables, on est forcé de se conduire par les mêmes principes que s’il s’agissait d’une guerre. On n’examine point si un général malheureux a tort ; on ne craint point d’être injuste en cessant de lui confier le commandements des armées. C’est alors que le salut de l’État devient la suprême loi.

Il ne peut être question de vous ôter un état où vous jouissez de la considération due à la probité sans avoir constaté si vous méritez quelque reproche. Mais je vous avoue que, frappé de la situation actuelle de la maladie et des dangers dont elle menace l’intérieur du Royaume, je m’étais empressé de saisir la circonstance de votre voyage à Paris pour charger M. de Clugny de donner, pendant votre absence, les ordres nécessaires relativement à la maladie épizootique.

Le Roi a même décidé qu’il lui serait expédié une commission semblable à celle qui fût donnée à M. de Marville pendant l’absence de M. d’Étigny, ce qui n’empêchera pas que vous ne continuiez d’expédier à Paris toutes les affaires qui n’exigeront pas une décision prompte. M. de Clugny est prévenu de cet arrangement.

J’ai rendu compte au Roi du changement de votre résolution relativement au voyage de Paris. S. M. m’a chargé de vous mander que son intention était que vous profitassiez du congé qu’elle vous avait accordé. Je crois que vous ferez très bien de partir le plus tôt qu’il vous sera possible en prévenant du moment de votre départ M. de Clugny qui mettra certainement dans sa conduite avec vous toute l’honnêteté qu’il vous doit.

Vous ne me connaîtriez pas si vous n’étiez pas persuadé de tout le regret que j’ai du désagrément que je me vois forcé de vous occasionner. Je suis très loin au reste de vous accuser d’aucun tort. Vous pouvez être sûr que vos anciens services ne perdront rien de leur prix auprès du Roi et qu’il vous saura gré au contraire du sacrifice que vous ferez en cette occasion au bien du service[28].

—————

[1] Sauf indication contraire, toutes les lettres relatives à l’Épizootie sont tirées du registre conservé aux Archives nationales, F12 151.

[2] Les lettres de Turgot sur l’épizootie sont très nombreuses : nous ne signalons ou reproduisons que celles qui ont le plus d’intérêt.

[3] Ces dispositions ont été renouvelées en octobre 1775 par un second arrêt du Conseil. Il avait été notifié aux Intendants par circulaire du 31 janvier.

[4] Autres lettres :

À Paulet, docteur en médecine, au sujet de ses Recherches historiques et physiques sur les maladies épizootiques. Montigny, de l’Académie des Sciences, rendit compte de cet ouvrage. Il fut alloué à Paulet 1 800 l. En outre, le Contrôleur général paya le prix que la Société d’Agriculture avait promis pour l’auteur du meilleur mémoire sur ce sujet et qui fut décerné à Paulet. Ce docteur s’éleva avec force contre les préjugés qu’entretenaient les charlatans et conseilla surtout le lavage du bétail et des étables.

[5] De nouveaux remerciements sont contenus dans une lettre du 23 janvier et dans un P. S. à une circulaire aux intendants du 30 janvier : « Je me suis fait un plaisir de rendre compte au Roi au dernier Conseil, de l’activité avec laquelle vous vous étiez porté partout où votre présence pouvait être utile, et le Roi m’a chargé de vous en témoigner sa satisfaction. »

[6] Une circulaire du 21 janvier à divers intendants, les avise que le chiffre de dix bêtes indiqué dans l’Avis du Conseil du 18 décembre ne devait pas être regardé comme absolu.

[7] Autre lettre :

À l’Intendant du Languedoc (Saint-Priest père), le remerciant de l’envoi d’une consultation de la faculté de médecine de Montpellier (25 janvier).

[8] Les gratifications aux propriétaires, les primes à l’importation des bêtes de labour dans les provinces affligées, les gratifications aux troupes, consumèrent près de 4 millions à l’État, sans compter les pertes particulières des Provinces qui se montèrent à environ le double (D. P., Mém., 328).

[9] Dans cette lettre, Turgot remercie encore une fois Saint-Priest et son fils de leur zèle.

[10] Autres lettres :

  1. Circulaire à divers intendants. De Monthyon, De Blossac, De Pont, D’Ayne, De Chazerac, envoyant l’arrêt du 18 décembre et leur recommandant de se méfier des recettes des charlatans (28 janvier).
  2. À Anisson Dupéron, directeur de l’Imprimerie Royale, lui envoyant pour l’impression une instruction rédigée par de Montigny, de l’Académie des Sciences.
  3. Circulaire à divers intendants au sujet des mesures de défense.
  4. Au comte de Périgord, au comte de Mailly et au comte d’Amon, leur envoyant un mémoire instructif et une instruction de Vicq d’Azir sur la désinfection.
  5. Au comte de Fumel, le mettant en garde contre les charlatans. (Les remèdes ne font rien et entretiennent de fausses espérances.)
  6. À Pétel de la Bonneville, contrôleur des vingtièmes, et à Raulin, médecin ordinaire du Roi, les remerciant d’observations relatives à l’épizootie (3 février).

[11] Charles Antoine Gabriel D’Osmond de Médavy.

[12] Parmi les autres lettres, on peut retenir les suivantes :

  1. Circulaire aux Intendants, envoyant un arrêt du Conseil relatif aux cuirs provenant des bêtes tuées (6 février).
  2. À l’Intendant de Perpignan (de Clugny), au sujet d’un arrêt du Conseil supérieur de Perpignan. On proposera au Roi de casser l’arrêt.
  3. Au Comte de Périgord, au sujet du commerce des peaux infectées. (Un marchand a vendu à Saint-Gaudens des peaux infectées ; il a été arrêté : le Commandant propose de faire un exemple ; le Roi a décidé qu’il serait expédié à l’Intendant un arrêt d’attribution pour faire le procès.)
  4. À l’Intendant de Caen, au sujet de l’envoi de chevaux dans les provinces infectées.
  5. À l’Intendant du Languedoc, au sujet d’une maladie qui s’est déclarée dans le Bazais et qui diffère de l’épizootie.

[13] Autres lettres :

  1. À Saint-Priest fils et au procureur général de Toulouse, approuvant un arrêt du Parlement de Toulouse du 26 janvier. (L’évêque de Castres jugera sans doute nécessaire de blâmer deux curés qui ont commis des imprudences.) (14 février).
  2. À l’Intendant du Roussillon, lui donnant avis de la cassation de l’arrêt du Conseil supérieur du 13 janvier (20 février).
  3. À l’Intendant de Montauban, au sujet d’un arrêt du Parlement. (Sa généralité est indemne. L’arrêt du Parlement dont il s’étonne a été rendu en connaissance de cause. La défense de tuer les veaux et les bœufs prescrite par l’arrêt précédent présentait des inconvénients. Cependant si la liberté donne lieu à des abus, il faudra se conduire suivant les circonstances).
  4. Circulaire aux Fermiers généraux pour l’emploi des brigades des employés des fermes dans le cordon de troupes sur la frontière espagnole.

[14] Autres lettres :

  1. À l’Intendant de La Rochelle, au sujet d’un remède proposé par le médecin Bargolin. (On peut expérimenter son remède, mais il ne faut pas attendre le résultat pour agir). — P. S. Je le connais particulièrement.
  2. À l’Intendant de Montauban, au sujet de mesures maladroites. (Il a fait annoncer l’arrivée de bestiaux de l’Agenois ou du Périgord au lieu de les arrêter quelque temps à la frontière.) (10 mars).

[15] Autres lettres :

  1. À l’évêque de Comminges, qui demande à faire un emprunt de 60 000 l. sur le revenu de l’évêché. (On ne s’y oppose pas à la condition que les charges d’intérêt ne dépasseront pas celles de l’emprunt du Languedoc.) (11 mars).
  2. Au comte de Périgord et à l’Intendant d’Auch, au sujet de mouvements populaires à Samatan. (On a voulu assassiner le maire et deux soldats,)
  3. Au marquis d’Amon, l’invitant à prendre des mesures. (« Il me semble que l’on a bien tardé de vos côtés à commencer les opérations. ») (21 mars.)
  4. À l’Intendant de Bordeaux, approuvant l’extension aux ânes des primes accordées pour les animaux amenés dans le Midi. (La prime par âne sera de moitié.)
  5. À l’Intendant d’Auch, au sujet d’une demande de récompense pour le négociant Laroche qui avait approvisionné la province de grains et de chevaux (21 mars, 12 mai). Refus de lettres de noblesse en sa faveur… « il a fait dans son commerce un profit considérable » (23 juin).
  6. À l’Intendant de Bordeaux, au sujet de l’arrestation d’un négociant par contravention aux ordonnances On use d’indulgence envers lui en raison de ses charges de famille (21 mars).
  7. À l’Intendant d’Auch, au sujet des dépenses et des gratifications aux troupes (2 sols par jour et par soldat.) (28 mars).
  8. À Pajot de Marcheval, au sujet de l’impression du travail de Montigny. (On refuse ; ce travail est destiné uniquement aux bureaux des Intendances.)
  9. À l’Intendant de Paris, constatant que la maladie a cessé dans l’élection de Beauvais depuis quatre mois. (Il est bon néanmoins de continuer à prendre des précautions.)
  10. Au comte de Fumel, au sujet du repeuplement en bestiaux. Le moyen de repeupler n’est pas de défendre de tuer les veaux et les génisses ; il vaut mieux s’en rapporter aux besoins qui, en faisant augmenter les prix, attirera des bestiaux tout formés des provinces voisines ou engagera les propriétaires à en élever (11 avril).
  11. À l’Intendant de Bordeaux, sur la marche de l’épizootie (24 avril) — P.-S. On doit s’attendre à voir de temps en temps la maladie renaître même dans les lieux qu’on a cru entièrement désinfectés, mais avec une vigilance exacte pour être instruit sur-le-champ, on peut prendre les précautions prescrites, tuer les bêtes malades et désinfecter de nouveau les lieux. On empêchera que la maladie ne forme de nouveaux foyers de contagion et l’on atteindra le but qu’on s’est proposé de l’éteindre entièrement.
  12. À de Crosne, constatant que l’épidémie est à son terme dans le comté d’Eu.
  13. Au comte de Périgord, au comte de Gontaut, au comte de Fumel pour remerciements (12 et 24 mai).
  14. À l’Intendant d’Auch : 1° au sujet du maire de Tarbes qui a donné l’exemple de faire abattre ses bêtes et n’a pas été dédommagé; 2° au sujet des journées des prud’hommes appelés à faire l’estimation des bestiaux tués. (Les journées sont fixées à 5 sols par tête et, pour les désinfections, à 12 sols par étable et 15 sols s’il y a déplacement) ; 3° sur la désinfection des fumiers (12 et 17 mai).
  15. Au marquis d’Amon, l’avisant que le gouvernement espagnol prend des mesures de défense.
  16. À Flesselles et à Saint-Priest, constatant qu’une maladie différente de l’épizootie s’est manifestée (12, 17 mai).
  17. À Boniol, médecin, qui a proposé l’inoculation comme remède. (Ce moyen est dangereux et incertain) (12 mai).
  18. À Du Muy, constatant que la maladie qui paraissait ralentie a reparu à Guines, dans le Calaisis. (Les habitants se refusent à l’abattage ; il faut donner des ordres au comte de Bienassise, à Calais.) (17 mai).
  19. Au duc de Gramont, au comte de Fumel, à l’Intendant d’Auch, au sujet de la désinfection des étables dans le Béarn. (Elle doit être opérée par les troupes, ce qui vaut mieux que d’en charger les syndics des États.)
  20. À d’Agay, au sujet de troubles à Guines. (Les troupes ne seront pas nécessaires pour rétablir l’ordre, mais elles devront visiter les étables.)

[16] Autres lettres :

  1. À l’Intendant de Toulouse : 1° au sujet d’une maladie sur les chèvres, près Dax ; 2° constatant qu’une maladie nouvelle s’est manifestée près de Toulouse. (On approuve les mesures qu’il a prises) (13 juin).
  2. Aux Intendants d’Auch et de Toulouse au sujet du transport des laines de Béarn dont les mesures de défense ont augmenté le prix (23 juin).
  3. À Bourgelat, lui envoyant des remerciements pour les élèves vétérinaires.

[17] Autres lettres :

  1. À l’Intendant de Toulouse au sujet d’une maladie sur les bêtes à laine. (Il est plus facile de s’en préserver, car la contagion de troupeau à troupeau peut être prévenue.)
  2. À l’Intendant d’Auch au sujet de vols de bestiaux par des brigands organisés (27 juin).
  3. À Bourgelat : 1° constatant que la maladie a reparu dans le comté d’Eu et applaudissant au zèle déployé par trois vétérinaires ; 2° au sujet d’une maladie différente de l’épizootie qui s’est manifestée dans l’Entre-Deux-Mers ; 3° constatant que la maladie a paru à Crémieux dans le Dauphiné (25 juillet).
  4. Au comte de Fumel signalant que la maladie a reparu sur quelques points, par suite de l’imprévoyance des paysans, dans le pays des dunes de Marensin, généralité de Bordeaux, et que de nouvelles alarmes existent à Tarbes. (Le zèle de M. de Gontaut a éprouvé quelque contrariété de la part des États) (25 juillet, 3 août, 10 août).
  5. À l’évêque de Tarbes, au sujet d’une délibération de la direction intérimaire des États de Bigorre. (Il y a eu un peu de désaccord entre l’administration de la province et les militaires).
  6. Au ministre de la guerre. (Remerciements pour avoir augmenté les troupes placées sous les ordres du Baron de Cadignan et observations sur l’organisation des troupes).

P.-S. — Je vous observe que les troupes qui sont à Montauban étaient déjà à la disposition de Périgord et qu’ainsi elles ne remplissent pas le vide causé par le retrait des deux bataillons d’Aquitaine ; l’état de choses exige de plus grands secours, et je me propose de vous en parler ce soir au Conseil en vous communiquant une lettre de M. de Viomesnil (3 août).

  1. Circulaire aux Intendants envoyant une instruction imprimée sur la manière de désinfecter les cuirs et invitant à la répandre (17 août).

P.-S. — Aux intendants des provinces attaquées : « Il me paraît convenable que vous rendiez une ordonnance pour prescrire l’exécution de cette instruction et ne permettre la conservation et la vente des cuirs qu’à la charge des précautions qui y sont détaillées et à l’exécution desquelles les troupes doivent aussi veiller. « J’écris aux officiers commandants des provinces infectées pour qu’ils se concertent avec vous à ce sujet. »

  1. Circulaire aux Commandants des pays où sont prises des mesures pour la désinfection des cuirs. Envoi de la circulaire précédente (22 août).
  2. À l’Intendant de Bordeaux au sujet de gratifications aux troupes (Un supplément de 5 sols par jour sera accordé aux troupes, indépendamment des 2 sols qui leur sont donnés pour le cordon de défense.)

P.-S. — Je trouve cette gratification un peu forte ; je suppose que vous la proposez sur les fonds de la province (17 août).

[18] Autres lettres :

  1. À l’Intendant de Bordeaux au sujet du refus du subdélégué de Condom de se conformer aux mesures de précautions ordonnées. (Le subdélégué a été mandé à la suite de la Cour ; depuis, il a exécuté les ordres.) (Septembre).
  2. À d’Aine approuvant les retards qu’il a mis à publier les instructions relatives à la désinfection. (C’est aux Intendants et subdélégués à veiller à ce que ces instructions soient exécutées en se concertant avec les commandants de troupes) (19 septembre).
  3. À Cadignan, à Journet, à Fumel, à d’Esparbès, à Saint-Priest, à l’Intendant du Roussillon, les avisant que Vicq d’Azir est envoyé en mission dans le sud-ouest (21, 28 septembre).
  4. Au Maréchal de Mouchy au sujet des instructions de Vicq d’Azir relatives à la désinfection. (L’arrêt du Parlement de Toulouse contrariait ces instructions dans plusieurs de leurs dispositions. On m’assure que le Parlement a modifié son arrêt. Rien n’est plus contraire au bien du service que ces contradictions dans les différentes autorités) (6 octobre).

[19] Autre lettre :

À Saint-Priest demandant son avis sur un emprunt de 20 000 livres projeté par l’abbé de Candeil sur la manse abbatiale.

[20] Dans le Sud-Ouest.

[21] Nouvellement ministre de la guerre.

[22] Autre lettre :

À l’Intendant du Roussillon, au sujet de l’ordonnance qui attribue aux Intendants la connaissance des contraventions. « Je n’ai pas été instruit que le Parlement de Bordeaux ait fait aucune demande sur cet objet, mais celui de Toulouse a rendu deux arrêts qui gênaient considérablement les fonctions du Commandant et de l’Intendant et qui pouvaient servir de prétexte à ceux qui ne voulaient pas déclarer leurs bestiaux malades. Je vous ai écrit hier pour vous annoncer l’envoi qui vous a été fait par M. Bertin de cet arrêt et de cette ordonnance. » (5 novembre).

[23] Autres lettres :

  1. À l’évêque de Tarbes qui demandait pour son diocèse une diminution des tailles et de la capitation. (On l’avise qu’on prend de nouvelles mesures contre l’épizootie.)
  2. Au maréchal de Mouchy, au sujet des mesures de défense. (En marge de la lettre : « il faut s’entendre au sujet du paiement du tiers de la valeur des bestiaux : il n’est relatif qu’à l’assommement des bestiaux aux premières apparences de dangers. C’est l’abus de payer les bestiaux qui n’ont été déclarés que lorsqu’ils étaient sans ressource qui a épuisé sans fruit les finances de la province, et a fait, pour ainsi dire, servir l’argent du Roi à alimenter la contagion. En permettant les traitements dans l’intérieur des pays infectés pendant le cours de cet hiver, on suspendra tout paiement. »)

[24] Autres lettres :

  1. À l’Intendant du Roussillon, signalant que l’évêque de Bayonne, en raison de la misère du diocèse, demande des secours à répandre dans sa tournée.
  2. À de Clugny, l’invitant à se concerter avec l’autorité militaire. (Le pays de Labour et les Landes sont débarrassés.) P.-S. « Vous devez avoir reçu une lettre de ma main dont j’attends avec impatience la réponse. »
  3. À Saint-Priest, approuvant des mesures. (La maladie a percé le cordon à Castelsarrasin.)
  4. Au maréchal de Mouchy (28 novembre), au sujet des instructions adressées aux Intendants le 21 novembre.

[25] Autre lettre :

À d’Agay, envoyant les instructions nouvelles. (La province de Normandie a été préservée par les soins de Vicq d’Azir avec seulement 300 hommes.)

[26] Autres lettres :

  1. À de Clugny, au sujet d’incendies provoqués par les mesures de désinfection. (On va préparer une instruction sur les moyens de les éviter) (15 et 17 décembre).
  2. Au Ministre de la Guerre, lui signalant que le comte d’Estherazy a été chargé de faire un rapport sur la situation de l’épizootie (20 décembre).
  3. À Le Peletier, constatant que la maladie ne fait pas de progrès dans les cantons de Ribemont et de Guise. Le froid l’a chassée (20, 23 décembre).
  4. À de Clugny : 1° Au sujet d’une compagnie qui sollicite le privilège exclusif d’achat des cuirs des bêtes refoulées qui mourront dans les quatre mois. (Cela permettrait de compléter la surveillance, mais un privilège exclusif n’est pas admissible ; il faudrait plusieurs compagnies.) 2° On recommande de multiplier les salaisons (24 décembre).
  5. Au Garde des Sceaux, transmettant un projet de réponse à des remontrances au Parlement de Toulouse sur l’arrêt du Conseil du 1er novembre (24 décembre).
  6. À Saint-Priest et au comte de Périgord, fixant à une année au lieu de quatre mois le délai pour le refluement (29 décembre).
  7. À d’Agay, constatant que la maladie a diminué en Picardie.
  8. À Dufau, médecin, l’invitant à ne pas publier un ouvrage qu’il a fait sur l’épizootie (29 décembre).

[27] Sur une autre lettre à Journet du 28 octobre est inscrite la mention : « Il a été répondu qu’il pouvait venir à Paris. »

[28] L’abbé de Véri cite, dans son Journal, cette lettre et dit :

« Turgot, ayant constaté que, dans la généralité d’Auch, on avait payé des indemnités pour des bêtes qui n’avaient pas été tuées et qu’on avait même vendu des procès-verbaux d’abatage, avait chargé de Clugny de donner pendant un congé de Journet les ordres relatifs à l’épizootie dans la province. Il écrivit en même temps à l’Intendant le 7 décembre une lettre à la fois ferme et douce pour l’informer des dispositions qu’il avait prises. »

Journet perdit la tête et se coupa la gorge le 28 décembre ; les ennemis de Turgot ne manquèrent pas d’accuser sa dureté. Le valet de chambre (Boutigny) et le laquais (Méric) furent mis à la Bastille le 1er janvier sur ordre contresigné Malesherbes, mais furent relâchés le 7 mars après s’être justifiés. Une somme de 2 millions avait été distribuée dans l’Intendance et des promesses avaient été faites pour 5 millions. (Observateur Hollandais, III. — Funck Brentano, Lettres de Cachet.)

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