Critique physiocratique d’un collègue libéral : Condillac

En 1776, Turgot est au ministère, mais les physiocrates, loin d’être arrivés au pouvoir, sont en vérité sur la défensive. Turgot lui-même, et nombre autres, tels Condillac,  ou Morellet, quoique passant auprès du grand public pour leurs affiliés en raison de la proximité de leurs doctrines, sont en vérité jugés sévèrement par le petit nombre des fidèles physiocrates, du nombre desquels Baudeau, le premier, est resté. Lui qui vient de faire revivre ses Éphémérides consacre à Condillac un article critique dans lequel il expose quelques-unes des dissemblances de fond que le nouvel économiste, auteur du livre sur Le commerce et le gouvernement, entretient avec la doctrine fixée jadis par François Quesnay.

Introduction au Nouveau dictionnaire d’économie politique, par Joseph Chailley-Bert

Dans l’introduction au Nouveau dictionnaire d’économie politique (1891), Joseph Chailley (dit Chailley-Bert, du nom de son beau père décédé — procédé curieux) expose les ambitions et l’économie générale de cette somme qui doit succéder au Dictionnaire de Coquelin et de Guillaumin, paru en 1852-1853. Pour raffermir l’école libérale sur ses bases, Chailley et son adjoint, Léon Say, font le choix d’écarter certains libéraux radicaux ou qui ne s’accordent pas avec eux sur des questions fondamentales comme la colonisation. Ils livrent, de ce fait, une image très précieuse du « nouveau » libéralisme, alors dominant, qui étouffera la tradition héritée de Turgot, J.-B. Say ou Bastiat, avant de périr lui-même, écrasé par le poids croissant de ses propres compromissions.

De l’instruction secondaire en France, de ses défauts, de leurs causes, et des moyens d’y remédier

En 1846, Frédéric Passy entre dans la carrière de l’économie politique en suivant les traces de son père, Hippolyte Passy, contributeur habituel du Journal des économistes et membre de l’Académie des sciences morales et politiques. Avec mesure et même une sorte de timidité, qui tranche avec ses prises de position audacieuses de la suite de sa carrière, il étudie alors les réformes à introduire dans l’instruction secondaire, vantant notamment l’introduction des sciences et des langues vivantes.

Liberté et socialisme. Réponse à M. Jaurès

En 1899, Ernest Martineau, en fidèle disciple de Frédéric Bastiat, poursuit son combat contre le socialisme à travers les nouvelles formes qu’il revêt et dans la personne de ses nouveaux défenseurs. Face à Jean Jaurès, qui a poussé l’audace et l’indignité jusqu’à clamer que le socialisme représentait l’accomplissement de la liberté humaine, il rétablit le vrai sens des mots et la portée réelle des doctrines en présence. Le socialisme, quel qu’en soit les formes, aboutit en droite ligne au collectivisme et à l’effacement de la liberté humaine : à ce titre, les revendications de Jaurès ne sont qu’une plate hypocrisie.

Une défense du libéralisme dans la presse locale

En 1883, socialisme et protectionnisme sont en croissance en France, et un nombre de plus en plus réduit d’authentiques libéraux soutiennent encore un combat que bientôt ils vont perdre. Dans la presse locale, un disciple fervent de Frédéric Bastiat, Ernest Martineau, participe à la défense du libéralisme, notamment en rappelant de manière incessante les mérites du libre-échange et l’injustice du protectionnisme.

L’énigme de l’échec russe de Lemercier de la Rivière

Brouillé avec le ministère de son pays et laissé sans ressources après l’intendance en Martinique, le physiocrate Lemercier de la Rivière connut une gloire littéraire immense avec la publication de L’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques (1767). Recommandé par Diderot, il fut invité à la cour de Russie par Catherine II pour participer à la réforme des lois. Ce fut un échec, dont on s’est longtemps mal expliqué les causes, et qu’un récent livre tâche d’examiner. Sa conclusion est que Catherine II, qui se piquait de philosophie et de modernisme, recula vite devant l’énergie réformatrice du physiocrate ; en politique avisée, elle se voulait avant tout pragmatique et méfiante.

Le Journal des économistes, une plateforme de débats

Le Journal des économistes (fondé en 1841), organe de l’école libérale française d’économie politique, qui accueillit certaines des plus grandes contributions d’auteurs comme Frédéric Bastiat, Gustave de Molinari, Charles Coquelin, Joseph Garnier, Adolphe Blanqui, J.-G. Courcelle-Seneuil, et tant d’autres du même calibre, passe traditionnellement pour représenter la voix de l’orthodoxie libérale et radicale dans un paysage académique en construction et provisoirement sans grand concurrent. Cette image qui lui est restée ne correspond pas, néanmoins, à la réalité. Loin d’avoir constitué un véhicule de dissémination d’une doctrine libérale pure, fixée dans le marbre, et qu’il ne se serait agit que de clamer sur tous les tons, le Journal des économistes accordait en vérité une large place au débat contradictoire et accueillait avec bienveillance les doctrines les plus opposées. De fait, la position libérale radicale, brillamment portée par plusieurs esprits de premier rang, dont le nom est resté célèbre, était à peine dominante dans ses pages. Des démarches concurrentes, réformistes, modérées, conservatrices, parfois même distinctement interventionnistes, trouvaient aussi bien leur place, donnant au recueil un caractère unique.

Idées d’un citoyen presque sexagénaire sur l’état actuel du royaume de France, comparées à celles de sa jeunesse (1787)

À la veille de la Révolution française, le physiocrate Nicolas Baudeau poursuit sa critique des institutions financières de l’Ancien régime, dont il réclame le renversement ; non toutefois, dans une optique républicaine ou démocratique, mais comme moyen de sauver une monarchie qui lui paraît le fondement naturel d’une économie libre et prospère.

Mirabeau, un économiste grand seigneur, par L. Cabantous

Le marquis de Mirabeau, bras droit de Quesnay au sein de l’école physiocratique, fut comme son mentor un homme à paradoxes, fait remarquer Louis-Pierre-François Cabantous dans une conférence de 1867. « Singulier mélange d'obstination aristocratique et de zèle novateur, il réunit tous les contrastes dans sa personne et dans sa conduite. » Il est, selon l’auteur, le représentant de ces économistes grands seigneurs, libéraux par tempérament mais sans consistance.

La tendance à une moindre inégalité des conditions

Dans son livre remarquable, De la répartition des richesses et de la tendance à une moindre inégalité des conditions, Paul Leroy-Beaulieu s’attache à récuser les prophètes de malheur qui promettent à l’ouvrier une condition de plus en plus déplorable, face à la richesse croissante des propriétaires terriens et des industriels. Dans la conclusion de son volumineux ouvrage, il revient sur quelques-unes des raisons qui prouvent, selon lui, que l’avenir amènera une inégalité toujours moindre des conditions, du moins si l’État ne vient pas paralyser ce mouvement.

Des anciennes corporations d’arts et métiers en France

Sous l'Ancien régime, l'artisanat et le commerce étaient enserrés dans le système ultra-réglementaire et monopolistique des corporations, qui paralysait le progrès économique et asservissait producteurs et consommateurs. À ceux qui réclamaient en son temps un retour à la réglementation des métiers, Charles Renouard traçait, dans le Journal des économistes de mars 1843, le sinistre tableau des corps d'Ancien régime. — « Pour être fort contre le monopole, écrivait-il, il faut étudier le passé, le remuer souvent, en tracer des tableaux fidèles. Le passé abonde en enseignements profitables aux esprits les plus progressifs ; il permet à qui le connaît de demander à ceux qui le regrettent et le réclament en quelle année de toute notre histoire ils prétendraient se placer pour y trouver à l'industrie une condition meilleure qu’aujourd’hui. »

Idées sur les innovations anti-monarchiques proposées aux notables

À l’aube de la Révolution française, le camp des économistes libéraux, issus de François Quesnay et de sa doctrine, reste fracturé par des divergences profondes de doctrine. Nicolas Baudeau, jadis fondateur et directeur du périodique commun, les Éphémérides du Citoyens, poursuit alors sa lutte contre les idées républicaines et anti-monarchiques portées par Turgot et quelques-uns de ses proches, comme Condorcet ou Du Pont de Nemours.

Laissons Faire, n°41, janvier 2022

Au programme de ce nouveau numéro : René Descartes, de la liberté divine à la liberté humaine, par B. Malbranque. — Débat sur le ministère Turgot à l'Académie des sciences morales et politiques (1877). — La bibliothèque nationale et le communisme, par Gustave de Molinari (1849). — Recension critique : Jean-Baptiste Say, Œuvres complètes, volume III. Catéchisme d’économie politique et opuscules divers, Economica, 2020.

La faible connaissance du Tableau économique de Quesnay par les physiocrates

Dans cette lettre, restée longtemps inédite, et dont un très large extrait a désormais été publié par l’Institut Coppet, le marquis de Mirabeau revient sur la réalité de l’engagement intellectuel de ses collègues physiocrates. De ses propres yeux, dit-il, il a vu que le Tableau économique de Quesnay restait totalement ignoré par la majorité des soi-disant disciples. La plupart menaient en fait leur propre chemin, prenaient à des sources variées, et composaient une œuvre en somme très hétéroclite.

L’abbé de Saint-Pierre et l’organisation de la paix internationale

Moqué par ses contemporains, qui le traitaient d’idéaliste et de fou, et dévalorisaient ses mœurs pour mieux dévaloriser ses systèmes, l’abbé de Saint-Pierre (1658-1743) fait pour nous œuvre de pionnier. Défenseur tout à la fois de la liberté à l’intérieur et de la paix au dehors, il a défendu toute sa vie des institutions précises, européennes et mondiales, pour pacifier le monde.

Les débuts des éditions Guillaumin d’après le Journal de la librairie

Dans les premiers temps de sa carrière d’éditeur libéral, Gilbert Guillaumin fit usage du Journal de la librairie pour annoncer ses nouvelles parutions et transmettre diverses informations. L’analyse de ces communications publicitaires, faite ici pour la première fois, nous raconte le développement de cette entreprise, les grandes parutions, mais aussi les retards souvent accumulés.

Quand le libéralisme français se saisissait de la question des femmes

Dans la préface de la réédition que l'Institut Coppet publie ce mois-ci du livre de Paul Leroy-Beaulieu, Le Travail des Femmes au XIXe siècle (1873), Benoît Malbranque présente la période de publication de cet ouvrage comme marquant un point de bascule dans l'histoire du libéralisme français : auparavant, la question des femmes est traitée avec dédain ; vers 1870 cependant, on s'en occupe comme d'une question politique importante, digne d'intérêt, et dans un sens qui sera plus tard celui des authentiques libéraux féministes, comme Yves Guyot.

Table des articles de la 3e série du Journal des économistes (1866-1877)

L'Institut Coppet poursuit la mise au net de la table complète des articles de cette publication classique dans l'histoire du libéralisme français qu'est le Journal des économistes (1841-1940), avec l'ajout du contenu de la 3e série, couvrant les années de 1866 à 1877. Celle-ci vient s'ajouter aux deux séries déjà présentes sur notre site dans la zone bibliographie. — Cet outil, une fois complet, permettra de retrouver les articles consacrés à chaque thématique dans cette grande revue de référence.

L’Ancien Régime et le nouveau

Dans sa recension de l’Ancien régime et la Révolution de Tocqueville (1856), Frédéric Passy salue avant tout l’œuvre de l’historien impartial et consciencieux, qui met au jour des documents nouveaux, et inaugure une nouvelle interprétation de la Révolution. Il trouve encore dans ce livre la justification des doctrines de liberté que propagent aussi l’économie politique.