Défense de l’agiotage, par Alphonse Courtois

Sans cesse vilipendée, la spéculation, aussi connue sous le nom d’agiotage, ne trouva pas chez les économistes libéraux eux-mêmes de très nombreux défenseurs. Associée à un jeu, et enrichissant ses acteurs par autre chose qu’un effort productif, elle s’est vu critiquée tant par Jean-Baptiste Say que par ses principaux successeurs. En disciple de Bastiat, Alphonse Courtois relève le défi, en 1864, de défendre l’agiotage au double point de vue économique et moral.

Diversité et tolérance chez Montaigne

L’œuvre de Montaigne, pleine d’audace, de franchise et d’individualisme, et dont les grandes leçons de tolérance n’ont certainement pas perdu de leur force, reste paradoxalement mal connue et faiblement étudiée par les libéraux de notre temps. La faute, peut-être, à quelques interprétations éculées, et à un langage d’antan, qui jette un fossé entre lui et nous.

Du recrutement et de l’avancement des fonctionnaires publics

Si l’on cherchait en théorie le système le mieux fait pour ralentir la marche d’un service et donner les plus médiocres résultats, il est probable qu’on s’arrêterait à l’inamovibilité des employés et à leur progression par ancienneté : car rien ne dégoûte plus de faire des progrès, que l’absence de récompense, et rien ne protège plus des errements, que l’invulnérabilité érigée en système. — En soulignant ces maux en 1874, Jean-Gustave Courcelle-Seneuil continue sa charge contre le nouveau « mandarinat » et expose ses propositions de réforme.

Chronique (Journal des économistes, décembre 1900)

Chaque mois, entre  1881 et 1909, Gustave de Molinari a publié une chronique politique et économique dans le Journal des économistes, commentant l’actualité française et internationale sous un angle résolument libéral. Au programme notamment, dans cette livraison de décembre 1900, le monopole des agents de change, la taxation des indigènes à la Nouvelle-Calédonie, les atrocités des pays soi-disant civilisés en Chine, le protectionnisme en Italie, et une notice de M. Picot sur Léon Say.

Les inspirations libérales d’Émile Zola dans Germinal

Passé à la postérité comme un roman résolument socialiste, le Germinal de Zola s'inspire en réalité d'une large littérature libérale (Yves Guyot, Paul Leroy-Beaulieu, Jules Simon), qui teinte la narration d'un arrière-fond critique. Le socialisme, but apparent, est maltraité page après page. Sous la plume de l’auteur, il n’est plus que messianisme sans substance, euphorie de violence sans but. Les socialistes y sont montrés comme ne s’entendant jamais entre eux, consumant leurs forces dans des guerres internes, et prêts à tous les sacrifices pour mettre en application le plan précis dont leur intelligence a accouché.

Table complète des chroniques de Gustave de Molinari dans le Journal des économistes

Chaque mois, entre 1881 et 1909, Gustave de Molinari a publié une chronique politique et économique dans le Journal des économistes, commentant l’actualité française et internationale sous un angle résolument libéral. En voici le sommaire complet, qui permettra de retrouver facilement les livraisons dans lesquelles Molinari a traité de certaines questions que d'aucuns pourraient vouloir approfondir particulièrement : par exemple l'antisémitisme, la question de l'Alsace-Lorraine, la colonisation, le féminisme, l'immigration, l'anarchisme, entre nombreux autres.

La limitation de l’immigration étrangère

À la Société d’économie politique, en juin 1888, la question de l’immigration étrangère en France produit, de manière assez rare, une parfaite unanimité. Tous les orateurs se prononcent en faveur de l’immigration libre, remarquant que l’immigrant apporte un capital et un savoir-faire et qu’il s’emploie dans des métiers rejetés par les nationaux. Deux précautions semblent toutefois devoir être prises, disent les orateurs : l’une, par le contrôle du casier judiciaire, qui permette d’éviter l’afflux d’une immigration de délinquants ; l’autre, par la domiciliation des secours, pour éviter que les étrangers ne viennent émarger en trop grand nombre au budget de la charité publique.

L’État doit-il se substituer aux particuliers pour introduire dans le pays une industrie que l’initiative privée, par oubli ou calcul, n’y acclimate pas ?

Au moins depuis Frédéric Bastiat, les libéraux français ont été solidement attachés au libre-échange, et adversaires du protectionnisme. Mais ce courant ayant ses sensibilités, l’attachement au libre-échange n’était pas, chez tous, inconditionnel : ainsi, à la Société d’économie politique, la question de la protection des industries naissantes (éternel bastion de repli du protectionnisme battu) est source en 1890 d’une légère division.

Lettre sur l’individualisme

Yves Guyot, Lettre sur l’individualisme (à un anonyme — 29 mai (1902 ?) — Peut-être à Henry-Léon Follin, propriétaire et gérant de l’Individualiste à partir du 1er février 1902. « Tous les progrès matériels, scientifiques, politiques, sociaux, sont venus non des pouvoirs publics, mais des individus ; ce n’est point l’État qui a inventé la machine à vapeur ou l’application de l’électricité aux besoins humains. Toutes les grandes découvertes proviennent d’hommes qui se sont fait eux-mêmes ; les idées qui ont transformé la direction politique ou sociale des peuples ont commencé par être proscrites ; on pourrait dire, de la plupart de celles qui sont aujourd’hui devenues lieux communs, qu’elles se sont heurtées au misonéisme officiel.  L’histoire du progrès est l’histoire d’individus, presque toujours en opposition avec l’état social dans lequel ils vivaient. » 

L’homme aux quarante écus et les physiocrates, par Anselme Batbie

Dans cette conférence donnée en 1864, Anselme Batbie examine l’origine et les mérites du livre que Voltaire consacra aux questions fiscales et économiques sous le titre de L’homme aux quarante écus (1768). Il retrace d’abord les progrès de la science économique au XVIIIe siècle sous l’impulsion des physiocrates et explique leur conception de l’impôt unique. Enfin Batbie étudie la valeur de la critique que Voltaire a spirituellement adressée dans son livre aux physiocrates et à ce principe fiscal plus tard renié par la science.

Introduction à la 15e année du Journal des économistes

En janvier 1856, en prenant la charge de rédacteur en chef du Journal des économistes, Henri Baudrillart trace, dans une introduction à la quinzième année d’existence de cette revue, le tableau de l’état du libéralisme économique en France et dans le monde. Partout, dit-il, il est en progrès, et en France même, malgré l’absence de l’économie politique dans l’enseignement, le groupe des économistes libéraux se perpétue avec courage et répand les mêmes vérités qu’au temps de Turgot.

Morellet, Sieyès, Baudeau, Raynal, Saint-Pierre, etc. : Pourquoi tant d’abbés défenseurs du libéralisme au XVIIIe siècle ?

Parmi les artisans de la liberté politique et de la tolérance religieuse se trouvent les abbés Sieyès, Grégoire, Loménie de Brienne. Autour des pionniers du laissez-faire se mêlent pareillement d’autres porteurs de l’habit ecclésiastique : l’abbé Alary est avec d’Argenson l’un des animateurs du club de l’Entresol ; Vincent de Gournay s’appuie sur de nombreux abbés, tels Coyer ou Le Blanc, pour diffuser son programme de réforme économique ; enfin François Quesnay peut compter sur la collaboration des abbés Roubaud et Baudeau à l’œuvre physiocratique, de même que sur l’appui de disciples ou d’auxiliaires émancipés comme Morellet ou Condillac. Enfin, l’idée de paix n’a pas de meilleur représentant en ce siècle que l’abbé de Saint-Pierre, ni l’anticolonialisme de plus grand propagandiste que l’abbé Raynal.

L’agriculture a besoin de liberté, non de distinctions

Si on doit rendre hommage aux Physiocrates d'avoir défendu, dans bien des questions, le laisser faire et le laisser passer, ils sont tombés dans l'erreur, selon Benjamin Constant, quand ils ont demandé des distinctions publiques pour l'agriculture. C'était, après avoir reconnu que l'autorité agissait mal, réclamer d'elle qu'elle agisse autrement : mais la seule action juste était qu'elle n'agisse pas, dit Constant.

L’Institut de France et les anciennes Académies, par Léon Aucoc

Dans cette étude publiée en 1889, Léon Aucoc, membre de l’Institut, revient sur l’une des périodes agitées de l’histoire de cette institution, quand, au milieu du tourbillon révolutionnaire, elle est tour à tour supprimée puis rétablie. Était en débat, rappelle-t-il, l’utilité même d’une aristocratie officielle du savoir, au milieu d’institutions libres et démocratiques.

Notice biographique sur Anselme Batbie

Chrétien de cœur, Anselme Batbie a imprimé le sceau de ses convictions religieuses au libéralisme qu’il a défendu à l’Académie des sciences morales et politiques ou à l’Assemblée. Dans cette notice biographique, A. du Cassé revient sur cette particularité de sa personnalité et de sa trajectoire, au sein d’un libéralisme français resté tiraillé sur cette question de la religion.

Le socialisme d’État

En 1886, Léon Say rend compte devant ses collègues de l’Académie des sciences morales d’un nouveau livre de l’un des partisans les plus accrédités du socialisme d’État. S’engage alors une très longue discussion sur les attributions légitimes de l’État, au cours de laquelle de nombreux intervenants de marque, Paul Leroy-Beaulieu, Frédéric Passy, J.-G. Courcelle-Seneuil, E. Levasseur, précisent les termes de leur « nuance » libérale respective.

Jean-Baptiste Say entrepreneur (1805-1812), d’après les travaux d’un historien local

Pendant sept années, Jean-Baptiste Say, écarté de ses fonctions officielles et empêché par Napoléon de publier comme il l’entend la deuxième édition de son Traité d’économie politique, a mené une deuxième vie d’entrepreneur dans une commune reculée du nord de la France, Auchy-lès-Hesdin. Un historien local, qui y est né, vient de consacrer un ouvrage complet à l’aventure de cette ville, anciennement terre d’abbaye, qui s’est transformée ensuite, sous l’impulsion de Say, en centre manufacturier. Son ouvrage, richement illustrée, fait l’état de recherches approfondies sur Say et son expérience entrepreneuriale ; il est d’une lecture intéressante et enrichissante.

Dans la bibliothèque de Benjamin Constant

Pour un penseur d’envergure, la bibliothèque est à l’image de l’homme. À ce titre, c’est une publication utile que la liste de celle de Benjamin Constant, qui vient d’être dressée pour la série documentaire qui accompagne la grande collection des Œuvres complètes publiées chez De Gruyter. Cette liste, reconstituée à partir de quatre catalogues dressés par Constant lui-même à différentes périodes de sa vie, est malheureusement partielle, comme des indications laissées dans sa correspondance, ou certains manques grossiers, le font apparaître. Elle n’en a pas moins une valeur documentaire très forte, qui légitime sa publication et en fera un outil de travail précieux.

Laissons Faire, n°45, mai 2022

Au programme de ce nouveau numéro : Documents relatifs à l’exil des physiocrates Baudeau et Roubaud suite au renvoi de Turgot (juillet-septembre 1776, 28 pièces.) — L’agitation communiste et révolutionnaire dans les réunions populaires, par Henri Baudrillart (1869). — L’immigration. La question des Chinois en Californie, des Juifs en Roumanie, etc. (Société d’économie politique, 1880). — Défense de la liberté du travail, par Nicolas Baudeau (1771). — Recension critique : Montaigne, penser en temps de guerres de Religion, sous la direction d’Emiliano Ferrari, Thierry Gontier et Nicola Panichi, Paris, Classiques Garnier, décembre 2021.